L'Europe n'a-t-elle pas aussi une part de responsabilité
par rapport à cette dérive totalitaire qui touche la Turquie en 2016 ?

En 2004, dans un de mes éditos (que vous pouvez retrouver en parcourant le sommaire de mon site), je parlais de cette avancée majeure avec l'entrée de dix pays de l'Est dans l'Union, ce qui fait que nous nous retrouvions à 25 nations. Et j'espérais aussi déjà à l'époque que l'on autorise enfin la Turquie à faire son entrée dans l'Europe, ce pays demandant déjà son adhésion depuis pas mal d'années. Je craignais surtout de voir dans le futur un durcissement du pouvoir et une montée de cet islamisme d'Etat radical qui n'a rien à voir avec ce qu'est vraiment la religion musulmane. A l'époque, on entendait dire que la Turquie, qui avait pourtant fait bien des efforts démocratiques en devenant par la même occasion une puissance économique en devenir, n'était pas toujours prête et on inventait mille excuses pour enrayer le processus d'adhésion qui était pourtant bien avancé. Certains, toujours par peur, c'est toujours la même chose finalement, sabotaient le processus et ne voulaient surtout pas considérer la Turquie comme européenne par idéologie politique relevant du sectarisme et de l'aveuglement le plus extrême. Et puis, des années sont encore passées sans que rien ne bouge, avec d'incessantes tergiversations politiques et diplomatiques et cet enlisement qui ne présageait rien de bon quant à l'entrée de la Turquie dans l'Europe. Les Turcs n'y croyaient plus beaucoup eux-mêmes, on les comprend, et commençaient doucement à porter leurs regards dans d'autres directions. Et en 2016, patatra......... après le putch manqué de certains militaires, le Président-dictateur Erdogan a repris les choses en main et a organisé depuis quelques semaines une purge sanglante tout en souhaitant à présent remettre en place la peine de mort dans son pays. Et puis, il veut imposer aussi une sorte de République démocratique islamique, ces deux derniers mots étant tout à fait contradictoires au passage, il vaut mieux en rigoler qu'en pleurer !

Au lieu finalement de faire de la Turquie un partenaire incontournable et fiable sur le plan stratégique et économique dans une région du monde plus que troublée, voilà que nous faisons de ce pays un voisin qui est devenu encombrant et dangereux pour tout ce qui touche à la stabilité diplomatique. Je considère quelque part, mais ce n'est que mon petit point de vue, que de par notre frilosité qui date de tant d'années, l'Europe a manqué de vision et de courage pour accueillir la Turquie au moment où les conditions s'y prêtaient, surtout que la population de ce pays le souhaitait ardemment. En entrant dans l'Union Européenne, la Turquie aurait alors entamé un processus diplomatique, politique et économique sans précédent, en collaborant étroitement, par des échanges culturels, commerciaux, etc..., et en dynamisant à nouveau au passage notre vieux continent, tout en adhérant de fait aux valeurs démocratiques incontournables qui sont la base de notre unité. Nous avons choisi de leur fermer la porte et ce "cher" Erdogan, hypocritement, nous le reproche ce qui lui permet, sans scrupule et de manière intolérable, de reprendre les commandes d'une main de fer, c'est le moins qu'on puisse dire ! Ce qui est le pire dans cette triste affaire, c'est que l'Europe elle-même compose de manière hypocrite en ce moment avec Erdogan, même si elle feint de condamner, mais pas trop fort, les agissements de ce dictateur. Et oui, rappelons que nous avons passé un récent accord financier scandaleux avec l'Etat turque afin de nous laver les mains du problème des réfugiés.

En effet, il y a eu un pacte honteux entre l'Europe et notre "ami" Erdogan, contre un soutien financier non négligeable à la Turquie, nous avons demandé à ce pays de bloquer plus d'un million de réfugiés qui fuyaient la guerre en Syrie et ailleurs, des personnes en danger que nous ne voulions surtout pas voir chez nous, c'est génial ! Dans quelles conditions de vie se trouvent ces réfugiés actuellement en Turquie, l'Europe s'en fout royalement et on laisse encore une fois les ONG faire le sâle boulot, si on leur permet de travailler sans difficultés tout du moins ! Erdogan, du coup, fait du chantage en disant à l'Europe que si nous nous mêlons de ce qui se passe dans ce pays, et bien il laissera passer les réfugiés, elle est belle la diplomatie-buisness qui se fait sur le dos de pauvres gens et de gosses qui fuient la misère et les atrocités de toutes sortes. Notre égoïsme chronique et cette montée du populisme qui rend frileux nos politiciens soucieux avant tout d'être réélus, nous a conduit à ce résultat calamiteux, même si nous pouvons saluer le geste des Allemands qui ont su accueillir en masse tellement de réfugiés. Mais l'Allemagne est l'exception qui confirme une règle commune et lamentable qui consiste à un rejet systématique ou presque d'êtres humains qui sont en danger, cela ne vous rappelle-t-il pas d'autres temps............. relisons encore une fois le passé pour nous en souvenir ! Au début de la seconde guerre mondiale, ils n'étaient déjà pas nombreux les pays qui souhaitaient accueillir les Juifs qui fuyaient la barbarie nazie, on sait ce que ces malheureux sont devenus !

Parlons aussi des Kurdes, pourchassés sans pitié par Erdogan, mais ce peuple en bave depuis bien des années car il n'est toujours pas reconnu officiellement par les Turcs et la communauté internationale d'ailleurs ou alors timidement. Je me rappelle, toujours en 2004 et dans un cadre humanitaire, que nous avions accueilli une famille de réfugiés qui avait fui la Turquie, celle-ci s'étant bien intégrée depuis ce temps en trouvant du travail tout en assurant une bonne scolarisation des enfants. Oui, ces kurdes qui combattent au sol depuis des mois l'Etat islamique en Syrie, nous défendent aussi nous pauvres européens en quelque sorte, même si cela n'empêche pas des attentats dramatiques chez nous. Certains d'entre eux font partie aussi des réfugiés que nous n'acceptons plus chez nous, mais Erdogan se chargera bien de les exterminer dans une indifférence coupable............... ce qui règlera le problème, oserais-je dire de manière cynique................ continuons à dormir tranquille, ce n'est pas notre problème de toute façon !!!....... Des opposants ou de simples citoyens turcs sont actuellement arrêtés, pourchassés de manière arbitraire dans tout le pays. Des leaders politiques, des intellectuels, des artistes, des militaires, des journalistes et même des chefs d'entreprise sont enfermés par milliers. Du coup, notre Erdogan voit ses prisons se remplir à vue d'oeil, alors notre dictateur s'est permis de libérer des prisonniers de droit commun pour enfermer les autres, la connerie n'a décidément pas de limite en ce bas monde............... que dit l'Europe devant ce drame ? Et bien............... RIEN, silence radio !!!.........

Fort de tout ce constat qui est sans concession, mais qui dépeint simplement la réalité dramatique d'aujourd'hui dans ce pays, oui, je le pense vraiment, L'Europe peut avoir des regrets, que dis-je, des remords, pour n'avoir pas voulu intégrer la Turquie en temps voulu. Et oui, au fond, même si la diplomatie est très compliquée avec des négociations et des enjeux complexes sur le terrain, lesquels nous dépassent, on peut imaginer tout de même que nous ne serions peut-être pas réduits à déplorer une situation aussi catastrophique et inhumaine si les choses avaient évolué autrement car je pense au final que tout est lié. On dit souvent qu'il faut savoir OSER monter dans le train de l'Histoire lorsqu'il passe devant nous, mais l'Europe a certainement loupé quelque part le marche-pied qui pouvait le mener vers le wagon de l'ouverture d'esprit en intégrant une autre culture et donc une nation si stratégique comme l'est la Turquie de par son implantation géographique. Cependant, rien n'est perdu même si la situation est grave et tendue. Le chemin qui mène vers l'Union Européenne sera désormais plus long à parcourir pour les turcs et l'Europe, de son côté, va devoir réparer les erreurs dues à sa trop grande frilosité. 

Bref, il faut repartir à zéro, mais ne pas jamais abandonner l'idée de rapprochement entre les peuples, les diplomates de bonne volonté, il y en a, ont bien du pain sur la planche pour recoller les morceaux et retisser des liens d'amitié et de confiance. Pour finir, cela me rappelle une autre tragédie et un autre rendez-vous manqué de l'Europe avec l'Histoire ! En effet, rappelons-nous la venue du Commandant Massoud à la tribune de l'Union Européenne, lequel demandait qu'on le soutienne de manière urgente dans son combat contre les Talibans en Afghanistan début 2000. Personne n'avait levé le petit doigt pour l'aider, le malheureux ayant été exécuté peu après par un de ses gardes du corps qui était à la solde des talibans. Suite à la frilosité des Occidentaux, on a vu ce que cela a donné par la suite dans son pays et ailleurs dans le Monde et on en paye encore les conséquences avec ce terrorisme sans pitié qui s'est internationalisé. 

Un boomerang (comme une bombe à retardement) que vous lancez au loin, mais que vous avez oublié de surveiller, peut toujours vous revenir en pleine figure, c'est simpliste et dérisoire me direz-vous comme image, mais suis-je loin de la vérité en écrivant cette boutade qui nous donne aujourd'hui à tous la "gueule de bois" ??!!....... Et surtout, oui surtout, faudra-t-il en arriver un jour à entendre à nouveau le bruit des bottes arrivé jusqu'à nos portes pour enfin prendre conscience du péril qui menace en permanence toutes les démocraties, à cause d'un populisme rampant et de notre incapacité à réagir très vite face à l'intolérable inhumanité de notre Monde, tout cela, hélas et toujours, par calcul politique, intérêts stratégiques, économiques aussi et par lâcheté tout simplement ! Tant que l'on fonctionnera de la sorte, le Monde ne connaîtra jamais la paix car il y a trop d'injustices et de souffrances. Désolé de le dire comme cela, je n'invente rien, les faits sont têtus, je le redis ici, il n'y a qu'à relire en permanence notre Histoire pour s'en convaincre une bonne fois pour toutes !

Guy GILLET