En ce début de 3ème millénaire, ne sommes-nous
pas en train de bâtir une nouvelle Tour de Babel ?


A bien y regarder de plus près, ne peut-on pas comparer la mondialisation que nous construisons, depuis bien des années à présent, à la fameuse Tour de Babel, décrite dans la Bible ? On se souvient que les descendants de Noé, lesquels parlaient tous la même langue, décidèrent, à cause d'un orgueil mal placé, de bâtir une tour gigantesque qui devait rejoindre le ciel. Dieu, selon les textes, se fâcha et descendit sur terre pour détruire la tour et faire en sorte que ces hommes ne parlent plus la même langue et se dispersent aux quatre coins du globe. Quel rapport, me direz-vous, avec ce que nous vivons aujourd’hui ?

Par certains côtés, la mondialisation économique, boursière, que nous avons mise en place, peut être comparée en effet à une Tour de Babel. On se rend compte que cette "tour du 3ème millénaire" est composée de plusieurs matériaux assez redoutables qui amènent tout doucement l’humanité vers une uniformité plutôt dangereuse, qui crée de plus des déséquilibres profonds. Tout d’abord, on voit bien que l’argent règne en maître absolu sur toute la planète. C’est la course folle à la rentabilité, à l’appât du gain et même les pays émergents comme la Chine, l’Inde, le Brésil, etc… n’échappent pas à cette règle. Pour conquérir des marchés, on monte des usines où on emploie une main-d’œuvre docile et sous payée afin d’inonder le monde de produits à bas coût.

Ces usines, ouvertes aux quatre coins de la planète, appartiennent à une poignée de richissimes propriétaires ou encore à des multinationales qui versent des sommes colossales à leurs gros actionnaires. Et, sans tomber dans la caricature, cette concurrence des pays émergents fait aussi le malheur des travailleurs des pays développés, dont la masse salariale augmente le coût des produits fabriqués. Dès lors, des usines ferment tous les jours et sont délocalisées à l’étranger, et pour cause. On se rend compte ainsi que les pays émergents, découvrant peu à peu la richesse, bien qu’il reste encore des centaines de millions de pauvres chez eux, sont contaminés par le mode de vie occidental, par son architecture, par son stress permanent et surtout par les paillettes d’une société de consommation où tout est offert à profusion.

Alors, au Brésil, en Chine, en Inde…, les jeunes générations tournent petit à petit le dos à leur culture, à leur mode de pensée, à leur richesse spirituelle, religieuse et ainsi "s’occidentalisent" sans même s’en rendre compte. Ces personnes veulent profiter dès maintenant de cet "Eldorado de l’abondance" en adoptant le mode de vie de la vieille Europe ou des Etats-Unis. Là encore, la réussite individuelle, très rapide, prime sur le bien commun et met en danger une certaine harmonie intérieure construite autour de valeurs ancestrales qui ne sont plus transmises, on fait table rase du passé. Comme en Occident, on désire tout et tout de suite : la belle propriété, la superbe voiture, le dernier ordinateur à la mode, le plus sophistiqué des téléphones portables ou tel vêtement de telle marque. La légitime envie de développement est remplacée par la soif de posséder toujours plus jusqu’aux gadgets superflus, le matérialisme les a aussi hélas touchés de plein fouet.

Sur toute la planète, on impose une certaine pensée unique, si tenté que l’on puisse parler de pensée !!… Désormais, partout on a les mêmes envies, on mange la même chose, on voyage de la même manière. On aspire aussi aux mêmes rêves de réussite instantanée, on construit les mêmes immeubles gigantesques et inhumains, on court aussi vite sans trop savoir où tout cela nous mène ! De plus, avec cette surproduction, cette surconsommation, on épuise la planète tout en modifiant le climat de manière alarmante avec cette pollution qui devient omniprésente. Et, comme si le tableau n’était déjà pas assez complet comme cela, on constate que les inégalités n’ont jamais été aussi grandes, les riches sont de plus en plus fortunés et les pauvres de plus en plus miséreux.

Dès lors, on voit bien le genre de Tour de Babel que l’on est en train de construire jour après jour dans laquelle aucun projet humaniste aura sa place. D’ailleurs, tous les êtres humains n’y auront pas non plus une place au chaud et il faut déjà marcher sur la tête de son voisin pour espérer y entrer et éviter ainsi de "crever" sur le bord du chemin. Pouvons-nous faire marche arrière ou en tous cas prendre une autre voie plus raisonnable avant de rencontrer le chaos et la désolation ? Nous construisons actuellement sur du sable fait de paraître, d’égoïsme, de profits immédiats. Mais le plus grave, c’est d’assister à une standardisation planétaire et forcée des esprits et les terriens que nous sommes risquent à terme de perdre leur âme dans des chimères qui ne peuvent mener qu’à la destruction de cette tour de Babel démoniaque.

Si mondialisation il doit y avoir, elle doit se bâtir en additionnant nos cultures, nos races, nos opinions, nos modes de vies, nos religions, nos expériences de vie, bref en cumulant nos différences au lieu de les effacer au prix d’une course folle vers le néant. Abolir les frontières pour se rencontrer ne veut pas dire éliminer les multiples richesses linguistiques, traditionnelles, historiques, pour finalement imposer une pensée unique qui fera des êtres humains de simples moutons dociles sans aucun relief. Ceux-ci finiront à terme par s’entretuer pour survivre sur une planète qui ne sera plus en très bon état non plus. Alors, comme d’autres, j’en appelle, dans mon petit coin, à plus de raison, de vigilance, pour simplement sauver l’humanité de la sauvagerie la plus extrême. Le développement et le progrès de nos sociétés ne peuvent se faire que si l’homme grandit en même temps en sagesse, sinon on bâtit une tour de Babel qui, encore une fois, n’aura aucun sens sur le plan universel.

Guy GILLET

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