Pauvres consommateurs que nous sommes,
à la "SOLDE" d'une société qui tend
à nous rendre envieux et sauvages !


L’autre jour, je regardais tranquillement le journal télévisé. Divers sujets d’actualité défilaient devant mes yeux avec, hélas, son lot quotidien de violences, de guerres, d’intolérances et d’injustices en tous genres. Comme d’habitude, on ne montrait rien ou presque de ce qui se fait de positif dans le monde, histoire de redonner aux téléspectateurs, le plus souvent d’ailleurs blasés ou «blindés» depuis trop longtemps, l’envie d’y croire et d’agir eux aussi pour créer un monde meilleur. Le présentateur en vint à parler de la période des soldes qui commençait dans les commerces de l’hexagone.

Quelle ne fut pas ma stupeur lorsqu’on nous montra les images illustrant le sujet.
Au 1er jour de ces soldes, il y avait des files d’attente interminables et ceci, bien avant que les commerces ouvrent leurs portes au petit matin. Des gens, serrés comme des sardines, se bousculant même parfois pour tenir leur place, étaient agglutinés attendant, non sans une certaine impatience, que les portes du "paradis de la consommation" s’ouvrent enfin. Le journaliste balladait son micro au milieu de cette assistance fiévreuse et l’on entendait certains dirent qu’ils attendaient cette période des soldes depuis des mois. Pour d’autres encore, c’était en quelque sorte l’évènement de l’année, ni plus ni moins.

On avait fait des centaines de kilomètres pour pouvoir être présents au jour «J», à l’heure «H», dans les grands magasins de Paris ou de toute autre grande ville de province. On comptait même des étrangers, notamment des américains, qui avaient spécialement fait le voyage pour pouvoir profiter des soldes à la française, «très chic et très tendance, n’est-ce-pas!»

Puis soudain, tout s’emballa à l’ouverture des portes. On se serait cru au départ d’un cent mètres en athlétisme. Les gens couraient littéralement entre les rayons du magasin pour pouvoir arriver les premiers devant les produits si convoités, et ceci malgré les grands gestes désespérés que faisait le personnel pour signifier aux gens de se calmer. Certains, à d’autres endroits, afin d’aller plus vite, s’allongeaient littéralement par terre afin de se glisser sous les rideaux de fer à peine ouverts par les commerçants et qui permettent l’accès à leurs magasins; bref c’était de la folie pure et dure. Je crois que si des personnes étaient malencontreusement tombées au milieu de ces foules compactes et déchaînées, elles se seraient tout simplement fait piétiner, ce n’est pas exagéré de le dire, tellement il se lisait une passion dévorante de consommer et de faire des affaires dans le regard de ces gens de tous âges.

Pour reprendre le célèbre slogan publicitaire, lancé il y a quelques années contre l’alcool, nous aurions eu envie de leur dire à ces personnes : «Vous vous êtes vus quand vous faites les soldes !!...». J’avoue, qu’après avoir vu ces images, je suis resté pantois, interloqué et je me demandais si je n’avais pas rêvé, tellement le spectacle que je venais de voir était plutôt pitoyable. Comment peut on se mettre dans de tels états d’excitation pour de simples achats, même s’il s’agit de soldes très intéressantes ? On assiste à une véritable bataille rangée où seuls les premiers, les plus forts, auront le droit de toucher le «jackpot». Il s’agit ici d’une démarche purement individualiste où se mêlent convoitise effrénée et compétition malsaine pour la possession de biens matériels qu’il faut être les premiers à s’arracher.

On se demande même si certains ne seraient pas capables de tuer pour passer coûte-que-coûte devant le voisin, afin d’acquérir le produit soldé si convoité. Songez tout-de-même que nous ne sommes plus en temps de guerre avec son lot de restrictions, les tickets de rationnement sur les produits de première nécessité, notamment alimentaires, comme cela se passait pendant la seconde guerre mondiale, avec les files d’attente devant les boutiques. Aujourd’hui, cela se voit toujours, hélas, dans certains pays du Tiers-Monde qui connaissent des conflits, des épidémies ou la famine, où des millions de personnes font la queue pour obtenir une maigre nourriture qui leur permettra de survivre jusqu’au lendemain. Evidemment, tout cela n’a rien à voir avec les soldes qui ont lieu chez nous et qui ne provoquent simplement qu’une «guerre» des prix !

Nous ici, dans nos pays développés, dits «civilisés» paraît-il, nous nous battons presque comme des «chiffonniers» pour se procurer des produits qui relèvent plus du superflu que du vital. Ce n’est pas qu’on en a réellement besoin, mais il ne faut surtout pas louper ces affaires allèchantes. Il paraît même que la période des soldes est devenue un véritable «phénomène socio-culturel», et celui-ci toucherait toutes les catégories sociales. On s’en voudrait de louper cette ruée annuelle et frénétique vers des articles proposés à des prix si «craquants». Je pense qu’il s’agit plutôt d’une nouvelle dérive lamentable de cette société de consommation qui provoque des comportements inquiétants et affligeants chez certains individus.

Dans quelle époque sommes-nous rendus ? Ne vit-on plus que pour consommer, aujourd’hui ? Encore une fois, est-ce cet idéal matérialiste et cette façon de vivre que nous voulons transmettre à nos enfants ? Il faudrait, je pense, permettre au moins une fois, aux gens qui s’excitent aussi fort pour les soldes, d’analyser leur comportement en toute objectivité. Est-il en effet normal, pour un individu dit responsable, de se jeter à corps perdu dans un magasin, en bousculant les autres sur son passage, sous prétexte de vouloir s’acheter un article à très bas prix. Sommes-nous devenus à ce point de ces moutons enragés, de ces pantins qui, sans réfléchir, se suivent bêtement à la file indienne pour aller au même endroit et faire la même chose avec une avidité non retenue ?

Consommer et consommer encore avec un appétit féroce sans jamais être rassasié ! Vous n’avez déjà plus faim des multiples articles que vous proposent les commerces, les supermarchés, que déjà, la télévision, la radio, les journaux, les prospectus... vous en remettent une nouvelle «couche publicitaire» afin de vous redonner envie de consommer. L’économie de marché ne s’intéresse nullement aux êtres humains, mais plutôt à leur portefeuille, car sans consommation soutenue, le système s’écroule. Soldes ou pas soldes, il faut faire subir un matraquage publicitaire continu aux individus afin qu’ils finissent par «claquer leur pognon» dans tout et n’importe quoi. D’autres périodes de l’année ont aussi leur pic de consommation, Noël, Halloween...; tout est prétexte à dépenser, quitte parfois à s’endetter jusqu’au cou dans des crédits alléchants, mais à terme souvent, dévastateurs sur des budgets familiaux déjà fragiles.

L’individu, sans s’en rendre vraiment compte, est complice de ce système, puisqu’il consomme sans réfléchir et ce pouvoir d’achat qu’il possède à longueur d’année lui donne l’illusion d’exister aux yeux de la société et des autres. Si la vie, dans ce monde qui vient d’entrer dans le 3ème millénaire, se résume dans le simple fait d’assouvir sa soif de plaisirs matériels immédiats les plus divers, je crois malheureusement que nous sommes descendus bien bas. Le fait de consommer en profitant de bas prix n’est certainement pas une faute en soit, mais lorsque cela devient «chronique», çà pose vraiment problème.

De plus, sans vouloir surtout généraliser car ce serait déformer la réalité, certains tout-de-même dépensent dans le superflu tandis que d’autres, hélas, n’ont même pas le nécessaire vital pour vivre. Sans vouloir justifier de telles attitudes, il ne faut plus s’étonner alors si certaines personnes utilisent malheureusement le vol ou la violence pour obtenir gratuitement ce qu’ils ne peuvent pas s’offrir de manière légale. En prônant la consommation à outrance, notamment en mettant en évidence des marques incontournables, et qui plus est, sur des produits relevant bien souvent du gadget, on crée de la jalousie et de l’envie.

Tout cela frise l’écoeurement et l’insupportable surtout dans notre société où les disparités sociales n’ont jamais été aussi fortes. Changeons notre comportement devant la consommation, sinon le matérialisme ambiant finira par nous perdre en dévorant notre âme. Un tel mode de vie ne peut à terme amener au bonheur. Les soldes ne sont tout-de-même pas un but dans la vie, ou alors notre propre existence ne vaut pas non plus grand chose parce qu’elle est tout simplement vidée de son sens. Le fait de consommer sans cesse n’amène-t-il pas l’être humain à se consumer à petit feu, à tuer cet idéal de vie qui devrait normalement le porter bien au-dessus de ces considérations tristement matérielles ? Réfléchissons y tous ensemble avant qu’il ne soit trop tard !

Guy GILLET

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