Pauvres consommateurs
que nous sommes,
à la "SOLDE" d'une société qui tend à nous rendre envieux et sauvages !
Quelle ne fut pas ma stupeur lorsquon nous montra
les images illustrant le sujet. On avait fait des centaines de kilomètres pour
pouvoir être présents au jour «J», à lheure
«H», dans les grands magasins de Paris ou de toute autre grande
ville de province. On comptait même des étrangers, notamment
des américains, qui avaient spécialement fait le voyage
pour pouvoir profiter des soldes à la française, «très
chic et très tendance, nest-ce-pas!» Puis soudain, tout semballa à louverture des portes. On se serait cru au départ dun cent mètres en athlétisme. Les gens couraient littéralement entre les rayons du magasin pour pouvoir arriver les premiers devant les produits si convoités, et ceci malgré les grands gestes désespérés que faisait le personnel pour signifier aux gens de se calmer. Certains, à dautres endroits, afin daller plus vite, sallongeaient littéralement par terre afin de se glisser sous les rideaux de fer à peine ouverts par les commerçants et qui permettent laccès à leurs magasins; bref cétait de la folie pure et dure. Je crois que si des personnes étaient malencontreusement tombées au milieu de ces foules compactes et déchaînées, elles se seraient tout simplement fait piétiner, ce nest pas exagéré de le dire, tellement il se lisait une passion dévorante de consommer et de faire des affaires dans le regard de ces gens de tous âges. Pour reprendre le célèbre slogan publicitaire, lancé il y a quelques années contre lalcool, nous aurions eu envie de leur dire à ces personnes : «Vous vous êtes vus quand vous faites les soldes !!...». Javoue, quaprès avoir vu ces images, je suis resté pantois, interloqué et je me demandais si je navais pas rêvé, tellement le spectacle que je venais de voir était plutôt pitoyable. Comment peut on se mettre dans de tels états dexcitation pour de simples achats, même sil sagit de soldes très intéressantes ? On assiste à une véritable bataille rangée où seuls les premiers, les plus forts, auront le droit de toucher le «jackpot». Il sagit ici dune démarche purement individualiste où se mêlent convoitise effrénée et compétition malsaine pour la possession de biens matériels quil faut être les premiers à sarracher. On se demande même si certains ne seraient pas
capables de tuer pour passer coûte-que-coûte devant le voisin,
afin dacquérir le produit soldé si convoité.
Songez tout-de-même que nous ne sommes plus en temps de guerre avec
son lot de restrictions, les tickets de rationnement sur les produits
de première nécessité, notamment alimentaires, comme
cela se passait pendant la seconde guerre mondiale, avec les files dattente
devant les boutiques. Aujourdhui, cela se voit toujours, hélas,
dans certains pays du Tiers-Monde qui connaissent des conflits, des épidémies
ou la famine, où des millions de personnes font la queue pour obtenir
une maigre nourriture qui leur permettra de survivre jusquau lendemain.
Evidemment, tout cela na rien à voir avec les soldes qui
ont lieu chez nous et qui ne provoquent simplement quune «guerre»
des prix ! Nous ici, dans nos pays développés, dits
«civilisés» paraît-il, nous nous battons presque
comme des «chiffonniers» pour se procurer des produits qui
relèvent plus du superflu que du vital. Ce nest pas quon
en a réellement besoin, mais il ne faut surtout pas louper ces
affaires allèchantes. Il paraît même que la période
des soldes est devenue un véritable «phénomène
socio-culturel», et celui-ci toucherait toutes les catégories
sociales. On sen voudrait de louper cette ruée annuelle et
frénétique vers des articles proposés à des
prix si «craquants». Je pense quil sagit plutôt
dune nouvelle dérive lamentable de cette société
de consommation qui provoque des comportements inquiétants et affligeants
chez certains individus. Dans quelle époque sommes-nous rendus ? Ne vit-on
plus que pour consommer, aujourdhui ? Encore une fois, est-ce cet
idéal matérialiste et cette façon de vivre que nous
voulons transmettre à nos enfants ? Il faudrait, je pense, permettre
au moins une fois, aux gens qui sexcitent aussi fort pour les soldes,
danalyser leur comportement en toute objectivité. Est-il
en effet normal, pour un individu dit responsable, de se jeter à
corps perdu dans un magasin, en bousculant les autres sur son passage,
sous prétexte de vouloir sacheter un article à très
bas prix. Sommes-nous devenus à ce point de ces moutons enragés,
de ces pantins qui, sans réfléchir, se suivent bêtement
à la file indienne pour aller au même endroit et faire la
même chose avec une avidité non retenue ? Consommer et consommer encore avec un appétit
féroce sans jamais être rassasié ! Vous navez
déjà plus faim des multiples articles que vous proposent
les commerces, les supermarchés, que déjà, la télévision,
la radio, les journaux, les prospectus... vous en remettent une nouvelle
«couche publicitaire» afin de vous redonner envie de consommer.
Léconomie de marché ne sintéresse nullement
aux êtres humains, mais plutôt à leur portefeuille,
car sans consommation soutenue, le système sécroule.
Soldes ou pas soldes, il faut faire subir un matraquage publicitaire continu
aux individus afin quils finissent par «claquer leur pognon»
dans tout et nimporte quoi. Dautres périodes de lannée
ont aussi leur pic de consommation, Noël, Halloween...; tout est
prétexte à dépenser, quitte parfois à sendetter
jusquau cou dans des crédits alléchants, mais à
terme souvent, dévastateurs sur des budgets familiaux déjà
fragiles. Lindividu, sans sen rendre vraiment compte, est complice de ce système, puisquil consomme sans réfléchir et ce pouvoir dachat quil possède à longueur dannée lui donne lillusion dexister aux yeux de la société et des autres. Si la vie, dans ce monde qui vient dentrer dans le 3ème millénaire, se résume dans le simple fait dassouvir sa soif de plaisirs matériels immédiats les plus divers, je crois malheureusement que nous sommes descendus bien bas. Le fait de consommer en profitant de bas prix nest certainement pas une faute en soit, mais lorsque cela devient «chronique», çà pose vraiment problème. De plus, sans vouloir surtout généraliser car ce serait déformer la réalité, certains tout-de-même dépensent dans le superflu tandis que dautres, hélas, nont même pas le nécessaire vital pour vivre. Sans vouloir justifier de telles attitudes, il ne faut plus sétonner alors si certaines personnes utilisent malheureusement le vol ou la violence pour obtenir gratuitement ce quils ne peuvent pas soffrir de manière légale. En prônant la consommation à outrance, notamment en mettant en évidence des marques incontournables, et qui plus est, sur des produits relevant bien souvent du gadget, on crée de la jalousie et de lenvie. Tout cela frise lécoeurement et linsupportable
surtout dans notre société où les disparités
sociales nont jamais été aussi fortes. Changeons notre
comportement devant la consommation, sinon le matérialisme ambiant
finira par nous perdre en dévorant notre âme. Un tel mode
de vie ne peut à terme amener au bonheur. Les soldes ne sont tout-de-même
pas un but dans la vie, ou alors notre propre existence ne vaut pas non
plus grand chose parce quelle est tout simplement vidée de
son sens. Le fait de consommer sans cesse namène-t-il pas
lêtre humain à se consumer à petit feu, à
tuer cet idéal de vie qui devrait normalement le porter bien au-dessus
de ces considérations tristement matérielles ? Réfléchissons
y tous ensemble avant quil ne soit trop tard ! Guy GILLET |