Ne vaut-il pas mieux se taire parfois,
surtout si l'on parle sans parvenir à convaincre !


Cette question, je me la pose enfin après avoir passé tant d’années à vouloir défendre des valeurs ou des idéaux que je juge essentiels à remettre à leur juste place. Mais comme le dit ce proverbe si connu : "Nul n’est prophète en son pays !"? Me laissant souvent débordé par ma fougue passionnée, mon envie effrénée de changer le cours des évènements, j’ai martelé sans cesse, lors de conversations interminables, les mêmes messages, souvent à l’intention des mêmes personnes, en voulant à tout prix avoir raison. Mais hélas, il me faut bien réaliser, enfin à 48 ans, que je ne détiens pas la vérité absolue, la science infuse et je dois donc aussi savoir éliminer ma coupable prétention à vouloir capter l’attention des autres de manière exclusive.

Les autres justement se sont souvent énervés, emportés à mon égard et j’ai compris que je pouvais les saouler avec mes discours presque exclusivement basés sur les mêmes thèmes : la solidarité, la justice, l’engagement, la liberté d’opinion, la lutte contre la solitude, le rejet de la pauvreté, du racisme, de la vente d’armes, etc… J’ai compris que chacun est différent même s’il reste avant tout humain et que nous n’avons pas tous les mêmes priorités dans la vie. Avec des mentalités différentes, des expériences de vie aussi diverses, nous n’appréhendons pas les évènements de la même manière. Dès lors, l’affrontement frontal par la discussion mènera souvent dans une impasse des êtres aux caractères différents, (exemple simple et classique : une personne qui serait très cartésienne et l’autre plutôt idéaliste). On peut avoir reçu la même éducation et penser différemment parce que les sensibilités ne sont pas les mêmes.

A vouloir trop insister, à en "remettre une couche" comme on dit familièrement, pour passer en force coûte que coûte, on ne sert pas bien, et même pas du tout dans certains cas, la ou les causes que l’on veut défendre, bien au contraire. Dès lors, le fossé s’agrandira d’autant plus entre les interlocuteurs et l’écoute polie laissera alors place à une fatigue qui ne fera qu’exacerber les rancoeurs, je m’en suis rendu compte à plusieurs reprises. Pourtant, croyez-moi, il est difficile de se faire une raison et de battre ainsi en retraite alors que l’on souhaite simplement défendre des enjeux humanistes fondamentaux pour aujourd’hui et pour demain. Mais, si résister part d’un bon sentiment au sujet de thèmes incontournables à nos yeux, il me faut savoir le faire de manière judicieuse en restant humble de cœur et d’esprit. Et puis, le fait d’écrire des articles ou d’agir au quotidien, pour valoriser certains idéaux, ne me donne sans doute pas le droit d’avoir cette prétention d’imposer mes vues aux autres.

Cependant, vous comprendrez qu’il est difficile pour moi d’écrire tout cela, car je suis un pauvre homme qui aime l’action de terrain pour mettre en pratique les convictions profondes qui m’habitent. Oui, c’est difficile d’abandonner aussi la discussion à cause d’une adversité qui se caractérise par le fait que plus vous parlerez et moins l’autre vous écoutera, on se rend compte que c’est peine inutile ! Alors, suis-je aujourd’hui à mon tour résigné et vais-je aussi gentiment rentrer dans le rang en fermant ma gueule à tout jamais ? Non, ce serait mal me connaître ! Simplement, je vais désormais changer de stratégie en stoppant net le choc frontal et stérile des discussions enflammées et sans fin. Je concentrerai à présent mon énergie à parler sereinement aux enfants, aux jeunes ou à tout autre personne qui aurait envie d’entendre une simple parole d’espoir pour croire en un monde meilleur, en tentant de déclencher chez elle la prise de conscience et ensuite l’engagement personnel.

Si Dieu et la vie me le permettent encore assez longtemps, je consacrerai aussi mon temps et mes efforts à convaincre certaines personnes influentes, notamment les élus, de nous aider davantage pour pérenniser les actions caritatives de terrain et ce sera déjà bien suffisant. Car, plus que la discussion relevant bien souvent d'un niveau "café du commerce !", où on refait le monde sans s’y impliquer vraiment, je crois que mon énergie doit plutôt être employée à bâtir du concret pour ceux qui souffrent, cela reste la priorité ! D'ailleurs, cette direction à prendre, je ne l’ai jamais perdue de vue depuis que je me suis engagé, même si mes agissements sont loin d’être parfaits. Seulement, je me disperse trop dans des conversations stériles et agaçantes à cause d’une passion sans doute trop débordante, que j'exprime d'une manière trop épidermique, trop émotive. Le plus important, ce n’est pas tant de vouloir avoir raison à tout prix, mais c’est de toujours transformer ses convictions en actions, non pas pour devenir un exemple, mais pour rester vrai et authentique au fond de soi-même !

Se taire parfois n'est pas une forme de faiblesse ou de résignation,
c'est montrer son désaccord par un silence qui vaut tous les discours !

Guy GILLET

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