Dans la vie, la réussite, où la placez-vous ?
Réussir dans la vie ou réussir sa vie !

 

Voilà bien une formule tout en nuances qui demande réflexion.
Réussir dans la vie revient à dire que l’on acquiert entre autres une position sociale confortable dans une societé qui tend à classer les individus dans des catégories socio-professionnelles bien définies, les chefs d’entreprise, les cadres, les professions libérales, les ouvriers, les employés de bureau, les commerçants et artisans, les agriculteurs, les pêcheurs, etc. . .

Il y a aussi les richesses que l’on peut étaler, tant sur le plan financier que sur le plan matériel, avec notamment une belle propriété, une belle voiture, un splendide bateau, une magnifique résidence secondaire ou je ne sais quel autre bien valorisant de manière spectaculaire votre réussite vis-à-vis des autres. Hélas, bien souvent, on constate que plus on sera placé haut dans la hiérarchie des catégories sociales, plus on sera respecté. A l’inverse, telle personne de par son insolente réussite pourra très bien être jalousée, enviée, détestée même ou encore suspectée d’avoir triché ou rampé afin d’arriver au sommet. Je me souviens, lorsque j’étais enfant, qu'on ne cessait de me répéter qu’il fallait bien travailler à l’école si je voulais avoir une chance de réussir dans la vie, notamment d’avoir un beau et noble métier qui me permettrait d’être à l’aise sur un plan pécunier et matériel.

Non pas que ce conseil fut négligeable, loin s’en faut, mais, aujourd’hui, je pense qu’il était largement insuffisant pour donner un sens à ma vie. D’autant que si l’on y regarde de plus près, on se rendra bien compte que tous les enfants ne possèdent pas les mêmes capacités à assimiler les études. Aujourd’hui, malheureusement, on constate que le fait de posséder un catalogue impressionnant de diplômes n’est plus un gage de réussite au sortir d’un cursus scolaire ou universitaire. Combien de jeunes techniciens supérieurs ou ingénieurs en tous genres ont été hélas obligés d’aller pointer à l’A.N.P.E., ou de se contenter pendant des années de boulots précaires et peu rémunérés.

Le fait de vouloir très tôt réussir dans la vie est une démarche plutôt individualiste afin de se placer au mieux dans une société quelconque et donc de se donner les moyens d’y vivre avec un minimum de confort personnel. Certains, conditionnés dès leur enfance, sont prêts à tout pour arriver à leurs fins. A l’extrême, ils n’hésiteront pas à bousculer, à marcher sur les autres afin d’être les premiers et ainsi de satisfaire leurs ambitions personnelles parfois démesurées. Ces comportements pour le moins discutables sont d’autant plus fréquents dans une société, en crise économique et morale, où les places sont chères. Réussir dans la vie, c’est bien évidemment un but louable mais est-ce bien le seul à se fixer dans notre courte existence ? Celle-ci ne se charge-t-elle pas d’ailleurs souvent, par l’intermédiaire d’évènements innattendus, de nous faire réfléchir aussi sur d’autres priorités incontournables ?

Réussir sa vie, c’est bien autre chose.
C’est un formidable pari à relever qui dépasse très largement les simples préoccupations individualistes et souvent routinières de notre vie quotidienne. Il ne s’agit pas dans ce cas d’assouvir des ambitions personnelles afin de devenir le plus riche ou de se positionner le plus haut possible sur l’échelle sociale, professionnelle ou politique. Réussir sa vie, c’est à la portée des plus aisés comme des plus pauvres d’entre les pauvres. Il n’est nullement question ici de parler de richesses matérielles mais plutôt d’acquérir et de mettre en avant des convictions, des valeurs essentielles qui placent l’être humain au-dessus de tout; après Dieu, cependant, si on y croit bien-évidemment, mais ce domaine de la Foi est laissé à la liberté de chacun bien-entendu. Réussir sa vie, c’est sans aucun doute un travail de longue haleine lequel, on le sait d’avance, ne sera jamais vraiment achevé tellement le défi est immense et difficile à relever.

Sur un plan strictement personnel, me semble-t-il, il faut commencer par s’attacher à construire une vie spirituelle où doivent s’enraciner au fil du temps des valeurs universelles qui mettent l’individu, en temps que personne humaine, au tout premier plan. La conscience de chacun d’entre nous doit s’enrichir de convictions humanistes assez profondes afin de reléguer au second plan nos futiles intérêts bassement matériels lesquels, on le sait bien, nous seront de toute façon irrémédiablement enlevés le jour du grand départ. Au quotidien, cela peut tout d’abord se traduire par une appréciation à sa juste valeur de la vie qui nous a été offerte, et non pas comme un dû où tout nous serait permis en toute impunité. Admirer un lever ou un coucher de soleil, la beauté de la nature dans toute sa diversité comme autants de cadeaux merveilleux que l’on découvre jour après jour. Savoir apprécier un simple sourire tout en sachant le rendre avec spontanéité, prendre le temps de savourer une discussion entre amis sont autant d’instants précieux.

Réussir sa vie, c’est effectivement pouvoir apprécier toutes ces saveurs étonnantes et simples qui jalonnent notre existence quotidienne. Sur le plan des valeurs fondamentales qui doivent normalement dicter notre conduite au fil du temps, elles s’enracineront en nous qu’à travers une longue expérience, riche d’un vécu où les situations les plus diverses, traversées avec plus ou moins de bonheur, nous auront fait réagir positivement ou négativement selon les cas. Si l’on a la chance d’acquérir, grâce à ses parents, à ses éducateurs ou à ses relations, des valeurs aussi vitales que la tolérance, le sens de la justice, du partage, du respect de l’individu, ou encore l’humilité au regard de notre modeste condition d’humains, nous réagirons alors certainement de manière moins individualiste et moins sectaire vis-à-vis des gens et des évènements.

Dans ce cas, réussir sa vie, ce sera alors se mettre à l’écoute de l’autre quelque soit sa condition, sa race, sa religion, ses opinions politiques ou autres. Ce sera aussi savoir donner un peu de son amitié, de son temps, et pourquoi pas partager un peu de sa richesse matérielle avec des personnes en détresse morale et matérielle. Ce sera aussi savoir rester modeste en réalisant assez tôt qu’on ne détient pas la vérité et par là-même chercher à s’instruire sur un plan spirituel, culturel ou autre, grâce aux diverses rencontres qui nous seront proposées. Ce sera en quelque sorte chercher à s’ouvrir au monde en ayant chevillée au corps une constante soif de connaissanses aussi bien intellectuelles que spirituelles.

Tout ce cheminement intérieur pourra très bien alors déboucher sur un engagement plus concret dans tel ou tel mouvement sportif, culturel, artistique ou caritatif afin d’aider ceux qui souffrent. Ce serait, sinon automatique ou obligatoire, toutefois logique si, comme on l’espère, nos convictions personnelles se contruisent vraiment autour des valeurs citées ci-dessus. Réussir sa vie, c’est sans doute quelque part s’oublier un peu soi-même en s’ouvrant aux autres et chacun peut être amené à effectuer une telle démarche sous de multiples formes. L’enrichissement personnel sur un plan spirituel, intellectuel ou culturel, ne peut se concevoir qu’au contact des autres. Réussir sa vie, c’est construire un pont de communications entre nous et le monde qui nous entoure, briser ces barrières psychologiques que l’on se fixe trop souvent et qui ne font qu’entretenir l’individualisme, source de bien des égoïsmes et de bien des injustices intolérables.

Certains me diront que l’on peut très bien concilier ambition personnelle et ouverture vers les autres, à savoir Réussir dans la vie et tout à la fois Réussir sa vie. C’est sans doute en effet possible mais, entre ces deux options, nous serons toujours amenés, à un moment ou à un autre, à en privilégier une plus que l’autre. Les circonstances de la vie nous poussent bien souvent à faire un choix inexorable selon notre conscience. Pour finir, il est une question que chacun d’entre nous peut se poser au regard de l’état dans lequel se trouve notre société actuelle: «Ma réussite individuelle peut-elle se suffir à elle-même si je tiens compte d’un avenir plus qu’incertain pour demain et aussi au regard du monde injuste qui m’entoure ?» C’est à chacun, selon sa conscience, d’interpréter cette interrogation, voire de l'ignorer définitivement, mais sachons qu'il est de toute façon des réalités incontournables qui finissent toujours par nous rattrapper un jour ou l’autre. Le bonheur peut se construire autour de la réussite, mais laquelle d'après vous ?...

Guy GILLET

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