Etre pauvre, exclu en 2015, c'est hélas devenu finalement
un "statut à part entière" et non plus un scandale !!!....
Oui,
même si la France a toujours connu la pauvreté, depuis plus de 30 ans,
nous l'avons vu revenir à grande échelle au point qu'aujourd'hui, les
pauvres sont près de 10 millions dans notre pays, avec aussi pas loin
de 150 000 personnes qui vivent dans la rue, avec de plus en plus de
femmes et d'enfants miséreux lesquels, fort heureusement, trouvent
prioritairement des places en foyer ou en logement. On peut, je crois,
affirmer qu'il existe bien dans les faits un "véritable statut" du
pauvre, comme il existe un statut du travaileur, du chômeur, du chef
d'entreprise, etc.... C'est dur à dire, mais cette misère chronique
s'est ainsi banalisée et ne choque plus grand monde au fond, à part
bien-entendu celles et ceux pas assez nombreux qui, tous les jours, se
battent avec
acharnement pour la faire reculer. Notre société des années 1980 à 2015
a
accepté, sans broncher et de façon presque naturelle,
que cette pauvreté prenne une ampleur gigantesque, et ceci comme un
fait acquis devenant au fil du temps anodin en quelque sorte. Ce
constat accablant fait froid
dans le dos d'ailleurs et devrait donc interpeller chaque conscience !
Comme
pour nous excuser, nous dédouaner de notre responsabilité, on dira
qu'il existe de toute façon différentes aides sociales permettant déjà
de
survivre, des associations aussi comme les Restos du Coeur, le Secours
Catholique, le Secours Populaire, Emmaüs, ATD Quant-Monde........,
finalement tout un système qui s'est institutionnalisé. L'Etat
lui-même, depuis bien des années, a aussi baissé les bras et s'arrange
parfaitement de cette
situation qui ne dérange plus personne........... on s'habitue
tellement à tout
et même au pire ! L'actualité du moment a mis en lumière des drames qui
se jouent encore devant nos yeux depuis quelques mois, avec les
attentats, les guerres, les réfugiés, le climat qui se dérègle, .... et
c'est vrai que tout cela est terrible ! Mais là encore, parce que notre
monde va à une telle vitesse et que les pages se tournent si
vite......... trop vite sans doute..........., nous allons "digérer" de
manière coupable les images
terribles passant devant nos yeux et cette violence qui ne
s'arrête jamais. Alors, comme d'habitude, finirons-nous, au
fil du temps, par passer à autre
chose parce que d'autres évènements viendront seulement nous distraire
et que, de toute façon,
notre vie quotidienne et tranquille reprendra toujours le dessus !
Au final, les problèmes s'accumulent, mais nous ne les regardons
pas suffisamment avec les yeux de la colère, de la révolte, une
certaine résignation s'est installée, nous sommes devenus pâles, si
pâles !
Ce que je veux dire ici avec FORCE, c'est que jamais, ô
grand jamais, nous aurions dû accepter l'insupportable car, pour en
revenir à la pauvreté, en l'intégrant comme un "fait naturel et
durable" dans le temps, nous avons fait reculer le lien social, la
cohésion sociale, l'esprit de fraternité, d'égalité et le respect de la dignité
pour tout être humain. Nous avons relégué et condamné ainsi à vie des
millions de pauvres, et parmi eux des enfants, dans la catégorie des
sous-citoyens et c'est pour cela que je parle ici de statut permanent
que l'on a ainsi créé comme si cela allait de soi. Ce constat tès dur est
terriblement atroce et notre société a fait ici preuve d'un cynisme
abominable ! Je le dis ici, moi qui ait 57 ans, ma génération, qui commence sérieusement à vieillir,
peut-elle continuer de regarder ailleurs, alors que l'insupportable est
à notre porte depuis si longtemps, ou peut-elle encore avoir la
capacité de réagir enfin massivement pour laisser à nos enfants, petits
enfants, un monde un peu plus beau ??!!.... Peut-on encore espérer mener, je veux le croire, ne
serait-ce qu'un seul combat humaniste, pour laisser au moins une trace
positive de notre passage sur cette bonne vieille Terre ??!!....
Depuis
quelques semaines, on parle beaucoup de fraternité, d'unité nationale,
de solidarité, de patriotisme même, d'accueil de l'autre, etc..., c'est
beau, c'est même très beau ces discours ou ces intentions là ! Mais,
dans les faits, qu'allons-nous faire de concret tant que nous sommes
vivants ? Comment, là où nous habitons, nous allons nous engager, avec
nos talents et nos compétences, pour les mettre au service de ceux qui
souffrent ? Voilà bien le véritable questionnement qui doit être enfin
le nôtre pour ne plus démisionner devant tant d'inégalités ! Moi-même,
qui considère continuellement que je n'en fais
jamais assez, comment vais-je montrer l'exemple pour accentuer mon
engagement et donner sens à
ma pauvre vie, afin de laisser à mes enfants, à mon petit fils, une
société qui
tienne à peu près la route ? Se poser ces questions, c'est déjà le
début d'un engagement citoyen, non seulement pour faire reculer la
pauvreté par exemple, mais aussi les égoïsmes, les peurs irrationnelles
et aussi les replis identitaires qui amènent aux pires choix pour une société.
Rappelons-nous, pour finir, que la
pauvreté dans l'Histoire, a TOUJOURS été la cause de bien des drames,
des révoltes, avec à la clé bien du sang et des larmes. Attention,
lorsqu'on finit
par s'habituer à la misère autour de nous, c'est en général le début de
la fin pour une société, si moderne soit-elle, cela s'est toujours
vérifié dans les faits ! Réveillons-nous pour tendre la main et
susciter l'ESPERANCE !
Guy GILLET