J’ai le «Mal du monde» dans lequel tant de passagers surnagent
dans une nuit glaciale, …………. y-a-t’il un remède docteur ??!!......


Oui docteur, je ne sais pas ce qui m’arrive, mais j’ai le «mal du monde», je me sens comme barbouillé à naviguer sur cette terre qui ressemble bien souvent à un bateau ivre malmené au gré des tempêtes qui se déchaînent à cause de la folie des hommes. J’ai comme des hauts le cœur devant les injustices si intolérables qui déferlent comme des vagues violentes sur tant de millions de passagers qui ne demandent qu’à naviguer sur une mer plus calme. J’ai comme envie de vomir en observant la violence qui s’abat de diverses manières sur tant d’innocents que l’on rejette en seconde classe du bateau, pour ne plus penser à eux alors qu’on devrait dénoncer toute cette barbarie.

Oui docteur, j’ai vraiment le «mal du monde» en constatant que les pauvres, les exclus de notre société sont remisés en fond de cale comme pour mieux les oublier et les laisser se noyer dans une solitude extrême. Pourtant, moi, je suis un privilégié, bien allongé sur le pont du bateau dans un hamac confortable et je respire l’air pur et vivifiant de celui qui voit au loin un horizon si radieux. Mais, je ne sais pas pourquoi, je suis pâle, tremblant et j’ai froid à l’âme, à la conscience, ce qui fait que je ne vis pas une traversée sereine parmi les autres passagers de ma condition qui flânent sans souci, sans peur du lendemain.

De plus, on vient de me prévenir qu’il n’y avait plus de capitaine à bord de ce bateau fou qu’est ce Monde. Il a sauté dans une chaloupe pour fuir comme un lâche, car il a compris que ce bateau n’est plus contrôlable tellement il y avait d’avaries à bord, et ceci à cause de passagers et d’hommes d’équipage qui l’ont abîmé en le malmenant sans en prendre soin. Ce bateau, pourtant bien réalisé au départ, a perdu son gouvernail, composé à la base de matériaux essentiels que sont la justice, la liberté, la fraternité, la solidarité et, dès lors, le capitaine a compris qu’il allait se fracasser sur les rochers du chaos le plus total. Vous pensez bien qu’en entendant cette nouvelle, j’ai de plus en plus envie de vomir parce que je crois que je vais me perdre avec tous les autres passagers si insouciants.

Docteur, que faut-il faire, y-a-t’il un remède, vite nous allons couler tous ensemble ?! Comment, vous me dites que je dois absolument trouver le moyen, avec d’autres personnes de bonne volonté, de jeter l’ancre à l’eau pour arrêter ce bateau ivre avant qu’il ne soit trop tard. Et puis, vous me conseillez de construire un nouveau gouvernail de fortune pour remettre notre grosse embarcation dans le bon sens avant que les passagers ne se perdent dans un abîme sans retour possible. Vous me dites enfin que mon «mal du monde» se calmera de lui-même à partir du moment où j’agirai pour le bien commun de tous les passagers, à partir du moment aussi où je me rendrai utile en tentant de sauver ceux qui sont toujours abandonnés en seconde classe ou à fond de cale. Un grand merci, docteur, je commence à me sentir mieux car vous m’avez redonné de la dignité et l’envie de réaliser enfin pleinement cette belle croisière qu’est la vie, si on s’en donne les moyens !


Guy GILLET

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