Que se passe t-il donc dans notre beau pays,
patrie des droits de l'homme ?

Il paraît que nos mendiants sont agressifs,
que nos prostituées encombrent les trottoirs,
que les réfugiés, demandant l'asile, arrivent en trop grand nombre,
ce sera à quelle catégorie d'individus d'être exclue demain ?

 

On nous dit qu'il est temps de régler les problèmes d'insécurité dans ce pays, tout cela est logique afin que chacun puisse vivre en paix dans sa commune, dans son quartier. Si des individus commettent des délits (vols, agressions sexuelles, viols, trafic de stupéfiants, violence verbale, irrespect, etc, etc...), il faut effectivement tâcher par tous les moyens de les empêcher de nuire à la société en appliquant les lois déjà existantes en matière de police et de justice. C'est le droit et même le devoir de tout gouvernement de faire en sorte que l'on respecte les lois de la République afin de bannir les zones de non-droit où règnerait une véritable anarchie et où ce serait la loi du plus fort qui primerait; là-dessus on est bien d'accord !

Mais là où cela ne va plus, mais plus du tout, c'est quand on vise les personnes qui sont déjà en situation précaire, les pauvres, les prostituées, les réfugiés, les squatteurs, toutes ces catégories d'êtres humains en difficultés que la société a déjà rejetée depuis belle lurette. Personnellement, et je ne suis pas le seul, je m'insurge contre les procédés qui sont actuellement employés, lesquels relèvent, à mon sens, plus de la démagogie, que d'une véritable politique allant dans le sens de la justice et de l'humanisme. Encore une fois, dans cette affaire, on s'attaque aux conséquences sans chercher à régler les causes. Comme toujours, on met la charrue avant les boeufs.

J'ai bondi lorsque j'ai entendu l'expression de "mendicité agressive", cela veut dire quoi cette formule méprisante à l'égard des exclus. Oui, mesdames et messieurs les gens bien pensants, des personnes boivent, "gueulent", se "choutent" et sont mal habillés en bas de chez vous, dans votre rue. C'est sûr, cela fait "tâche" dans le paysage et cela vous dérange surtout dans votre petit confort, en un mot cela vous fait peur. Mais comme le dit très justement l'abbé Pierre, ce n'est pas aux pauvres qu'il faut déclarer la guerre, mais bien à la pauvreté. Ces gens, considérés comme des pestiférés auprès d'une certaine opinion publique, qui vous agressent dans la rue et qui vous empêchent de passer sur le trottoir à cause de leurs chiens barrant le passage, les connaissez-vous vraiment ?

On passe négligemment à côté d'eux sans vouloir jeter un regard, à moi aussi cela m'est arrivé aussi d'avoir une telle attitude. On les évite car on a peur d'eux, de leur dégaine de voyous mal lavés qui brandissent leurs bouteilles d'alcool sans aucune gêne. Un tel spectacle est repoussant, n'est-ce-pas, mais malgré tout, n'en déplaise à certains, ces exclus restent des êtres humains à part entière qui, pour la plupart sortent de "galères" inimaginables. Ils sont en rupture familiale, ils ont perdu leur boulot, leur femme, leurs enfants peut-être aussi par la même occasion. Ils ont peut-être aussi connu la maladie, des dettes insurmontables ne pouvant être réglées à cause d'un manque de ressources. Ils dorment dans la rue, sur un banc ou à l'abri d'un simple emballage en carton sous le porche de votre immeuble. Trouvez-vous cela normal en 2002 ? Au lieu, comme certains politiques de les condamner, de les juger, de les jeter hors des villes par des décrets indignes d'une démocratie, au fronton de laquelle est pourtant écrit "Liberté, Egalité, Fraternité", ne pouvez-vous pas, au moins une fois leur parler, leur rendre un petit service, les accueillir peut-être, vous verrez que ce ne sont pas des monstres.

Ce n'est pas tant la mendicité qui est agressive, mais plutôt cette maudite société qui pousse à l'indifférence, à l'égoïsme, au repli sur soi. Prenez garde et ne vous croyez pas à l'abri de tel ou tel pépin, même si bien-entendu, je ne souhaite à personne de se retrouver à la rue, que Dieu vous en préserve. Sachez qu'aujourd'hui, on est vite exclu et que personne ne viendra vous sortir de la merde lorsque vous n'aurez plus de blé. Vous serez peut-être contents d'être ramassé par telle ou telle association caritative qui vous servira la soupe l'hiver et un lit pour dormir. Bien des bénévoles, oeuvrant pour les plus démunis, sont indignés aujourd'hui par les mesures qui sont prises. On réprime, on jette dehors sans régler les problèmes humains. Bientôt on verra refleurir les cours des miracles comme au Moyen-Age, avec les boiteux, les lépreux en guenilles.

De plus, ils n'ont même plus le droit de squatter aujourd'hui des immeubles pourtant à l'abandon. A cause d'une diminution des budgets quant à la construction de logements sociaux abordables pour les plus faibles, il y a une grave pénurie de logis pour des personnes seules, pour des familles qui vivent bien souvent dans des appartements insalubres, loués très chers par des marchands de sommeil peu scrupuleux. L'Etat préfère aujourd'hui mettre du pognon dans la construction de porte-avions ou de sous-marins nucléaires dont on en a rien à foutre. Ce n'est pas comme cela qu'on conservera la paix sociale dans ce pays. Il me semble que l'ennemi potentiel n'est pas tant à l'extérieur de nos frontières, mais bien à l'intérieur, cher ministre. Nous sommes assis sur une véritable bombe à retardement qui se nomme "explosion sociale". Les disparités sont telles dans notre société qu'il est à craindre qu'un jour, cela fasse très mal, même si je ne souhaite pas avoir raison pour demain. Arrêtons s'il-vous-plaît de tirer sur les pauvres, ils sont déjà des "blessés de la vie", comme l'a dit un certain Jean-Paul II, je crois, vous vous souvenez !

Parlons aussi de ces prostituées qui se balladent largement dévêtues dans certains quartiers. Elles font le plus vieux "métier" du monde et bien des gens de la haute ou moyenne bourgeoisie, bien des responsables politiques, économiques et autres corporations distinguées ont eu, un moment ou à un autre, à employer leurs services pour satisfaire un plaisir pressant. Là encore, faisant preuve d'une hypocrisie scandaleuse, on veut aussi les jeter hors des villes, au risque, demain, qu'elles subissent de graves agressions lorsqu'elles exerceront leur job dans des recoins éloignés de toute habitation. Que deviendront ces filles venues notamment d'Europe de l'Est, d'Afrique, qui se trouvent déjà sous la coupe de proxénètes peu scrupuleux, lesquels souvent les tapent et les violent.

Vous croyez que la plupart des prostituées font le trottoir par simple obsession du sexe. Combien de mères de familles font le tapin pour nourrir leurs mômes, d'étudiantes se prostituent pour payer leurs études, ou de filles sont tombées dans la prostitution parce qu'elles ont été violées dans leur prime jeunesse ? Oui, posons-nous toutes ces questions avant de les blâmer et de les abandonner à leur triste sort ! Là encore, des bénévoles, des psychologues prennent le temps de les écouter, de les aider, parce que certaines n'ont plus simplement de famille. Avec toutes ces mesures répressives que l'on prend à leur encontre, on va saper le travail de gens qui prennent le temps de les rencontrer dans la rue et on va de ce fait les marginaliser davantage encore.

Evoquons enfin le problème des réfugiés venus pour la plupart de pays sous développés ou en guerre, parfois les deux d'ailleurs. Comme l'a dit Michel Rocard, en son temps, "on ne peut pas accueillir toute la misère du monde", certes. Mais de grâce, ayons un peu de dignité et d'égard envers celles et ceux qui se trouvent sur notre sol. L'exemple de Sangatte est tristement frappant à cet égard. On a fermé le centre et les réfugiés, là encore, errent dans la rue en attendant une expulsion à brève échéance. Heureusement qu'un maire a bien voulu les accueillir dans un gymnase, mais là encore, comme si cela n'était pas suffisant, on est venu les expulser une deuxième fois.

Ah ! elle est belle la démocratie et elle est jolie la France, ce pays qui était jusqu'alors un phare pour ce qui est du domaine du droit d'asile. Certains réfugiés avaient ainsi trouvé refuge au sein des églises, mais là encore, on les a délogés manu-militari, au grand dame de certains prêtres qui ont une autre idée de ce que doit être la charité et le respect de tout individu. Si on s'en tient aux Evangiles, je pense que Jésus-Christ, aujourd'hui, serait tout simplement auprès des réfugiés, des pauvres et aussi des prostituées, bref auprès des plus faibles, c'est pour cela que certains croient encore en lui aujourd'hui, il me semble. De ce fait, les autorités religieuses ont le devoir, me semble-t-il aujourd'hui, d'oser crier haut et fort que tout être humain en grande difficulté doit fait faire l'objet de la plus grande attention de la part de tous et en particulier des pouvoirs publics. C'est un minimum pour ne pas reculer en matière de droits fondamentaux de la personne humaine.

Les pauvres, les prostituées, les réfugiés, les squatteurs ne font de mal à personne. Ils sont les simples victimes d'un monde qui ne tourne plus très rond depuis un certain temps déjà. De grâce, ouvrons les yeux sur cette IMMENSE misère humaine au lieu de nous voiler la face et de rejeter les plus faibles. Ouvrons largement notre coeur pour les accueillir, les aider, il y a tant de détresses à soulager. Les mesures répressives à leur égard ne règleront en rien leurs problèmes, au contraire. Ne voyez-vous pas qu'on leur enfonce encore davantage la tête sous l'eau ! Nous parlons aujourd'hui de violence, de manque de repères, d'injustices, de déshumanisation, mais si nous ne faisons rien pour changer les choses, là où nous habitons, où nous travaillons, les choses ne feront qu'empirer, C'EST INÉVITABLE !

De grâce encore, bougeons-nous afin de créer un monde plus SOLIDAIRE pour demain, pour nos enfants, pour nos jeunes. Le temps n'est plus à la sauvegarde de nos acquis, de notre position sociale avantageuse, mais bien de chasser nos peurs imbéciles et nos idées reçues. Il nous faut ensuite PARTAGER, sinon notre argent, au moins un peu de notre temps pour donner du bonheur à ceux qui souffrent. Les lois répressives, sans aucune contre-partie en matière de mesures humanistes qui remettent l'homme debout, sont INACCEPTABLES, INTOLÉRABLES. Ce nouveau coup de colère que je balance ici, je ne le fais pas pour me rendre intéressant, loin s'en faut. J'ai mal à l'âme, je me sens honteux de vivre dans une société aussi inhumaine à bien des égards. Moi-même, je me rends compte que je n'en fais pas assez pour mon prochain, même si je suis bénévole dans deux associations caritatives. Alors je veux me pousser et tous vous inciter aussi à ouvrir votre coeur pour lutter contre toutes les formes de souffrances. Entre la répression et la main tendue envers les plus faibles, j'ai choisi mon camp, en tous cas je l'espère définitivement. Et vous, citoyens lecteurs, citoyens électeurs et surtout vous, citoyens élus, tous bords confondus, dans quel camp êtes-vous ?

Guy GILLET

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