Révolutionner le système scolaire en faisant
de nos élèves des citoyens qui s'engageront demain !

"Prôner le bien commun plutôt
que la réussite individuelle"


Je me permets d'avancer ici quelques idées qui me paraissent importantes pour ce qui concerne le devenir de l'élève au sein de l'établissement scolaire public ou privé d'ailleurs. Je crois en effet, compte-tenu du monde déboussolé à bien des égards dans le lequel nous vivons en ce début de 3ème millénaire, que l'école, au-delà des aspects pédagogiques qui ne relèvent pas de ma compétence puisque je n'ai pas de formation dans ce domaine, doit entamer une sorte de révolution, surtout au niveau du but final à atteindre pour chaque élève qui passe dans l'institution scolaire. Notre société, dont la base est la République, elle-même, fondée sur trois valeurs incontournables, à savoir la liberté, l'égalité et la fraternité, est encore loin, il me semble, d'appliquer ces fondements, on le constate hélas tous les jours.

Depuis quelques années, nous avons même reculé au point, il n'est pas exagéré de le dire, que notre société se déshumanise au profit d'une course folle vers le chaos, si on ne réagit pas à temps. Les élèves, dont les enseignants ont la charge, s'en rendent bien compte, qu'ils soient en primaire, en collège ou en lycée. Ils en discutent entre eux et se demandent aussi ce qu'ils vont devenir dans ce monde où le "chacun pour soi" règne souvent en maître absolu, même s'il ne faut pas généraliser. Non seulement, ils n'ignorent pas cet état de fait, mais ils sont de plus très réceptifs à tout ce qui touche à l'injustice, l'intolérance, la discrimination, la corruption, l'égoïsme, l'appât du gain, l'implacable réalité souvent inhumaine du monde du travail, la consommation à outrance, le matérialisme, la violence, la pauvreté, autant de maux qui gangrènent notre démocratie.

On me dira que l'Enseignement Catholique ou Public, à travers ses enseignants, ses éducateurs, sensibilise chaque année ses élèves sur tous ces sujets et c'est déjà très bien. Mais cela ne m'apparaît pas suffisant, loin s'en faut. Ce qui me paraîtrait important pour l'avenir, c'est que le système scolaire puisse mettre l'éducation à la citoyenneté comme "matière principale", donc au centre même du projet d'éducation de l'élève, et ceci tout au long du parcours scolaire, de la maternelle au lycée, voire plus, pourquoi pas dans les universités. Je pense en effet que cette "matière", si l'on peut dire, est plus importante, et de loin, que les maths, le français, les sciences, ou toute autre discipline. C'est vraiment là que se situerait la révolution que j'appelle de mes voeux au sujet de l'école. Cela demanderait un long apprentissage et un changement de mentalités au niveau de l'Education Nationale dans son ensemble.

En fait, il faudrait faire en sorte que l'on considère d'entrée de jeu, qu'au-delà des savoirs qui sont dispensés, des formations diverses et des diplômes qui sont proposés, nous aurions comme priorité première de faire de nos jeunes, à la sortie de leur cursus scolaire, des futurs citoyens qui s'engagent en majorité pour améliorer de différentes manières notre société. Il faudrait en quelque sorte, non pas que l'engagement bénévole dans la vie soit considéré comme un geste exceptionnel et facultatif, mais plutôt comme un acte naturel et évident, parce que l'on a le souci de mettre ses compétences, ses talents au service des autres, tout simplement. Cela peut paraître quelque peu utopique à première vue, mais c'est une simple question de volonté. Il suffit de changer les priorités que se donne l'école en considérant qu'elle doit tout mettre en oeuvre pour que nos jeunes puissent s'engager demain au nom du bien commun. Cette révolution scolaire, à n'en pas douter, porterait ses fruits et on pourrait alors espérer demain une société qui ait un visage un peu plus humain.

A l'heure où le système scolaire se cherche par rapport aux enfants et aux adolescents qu'il accueille en son sein, il faut, je le pense, oser des changements radicaux et exaltants, pour sortir du train-train et créer peut-être une école du 3ème millénaire qui soit bien ancrée dans la société dans laquelle elle évolue quotidiennement. L'éducation à la citoyenneté, l'engagement citoyen, sont véritablement des clés indispensables pour demain et cela dépasse de loin les formations traditionnelles qui se centrent trop sur la réussite exclusive de l'individu, sans penser assez à développer la dimension collective. Même si c'est important, on axe trop les priorités sur la réussite aux diplômes, sur la réussite individuelle de l'élève, en l'incitant en quelque sorte à penser qu'il est, le temps de son cursus scolaire, le "centre du monde" et qu'il aura bien le temps par la suite de s'ouvrir aux autres ainsi qu'aux graves problèmes de société.

Ce n'est que mon point de vue, mais je pense qu'en agissant ainsi, nous ne prenons pas les choses par le bon bout et que ce n'est surtout pas bénéfique pour l'élève en temps qu'être humain. S'il a une formation scolaire à suivre le plus sérieusement possible, il a en premier lieu, dès l'enfance, à acquérir une dimension humaine, voire religieuse, qui sont bien plus essentielles pour son développement que les disciplines qu'il étudie dans les manuels scolaires.
Me basant sur la célèbre phrase de John F. Kennedy, que je cite souvent, qui m'a marqué et qui disait à peu près ceci : "Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais cherchez ce que vous pouvez faire pour votre nation", une affirmation pleine d'espérance, je pense en effet qu'il est peut-être temps d'entamer cette révolution humaniste afin que les choses bougent dans notre société, ayant perdu pas mal de repères fondamentaux, et où on se demande quel sera notre avenir et surtout celui de nos jeunes.

L'école et les parents que nous sommes tous, ont une très très grande responsabilité et devraient donc construire dès à présent ce pari audacieux, mais tellement motivant. Depuis près de 30 ans, nous avons raté bien des choses dans le domaine de l'humanisation de la société, ce qui fait que l'être humain est devenu un objet au service d'un système, ce qui devrait être le contraire. L'homme n'est plus depuis trop longtemps au centre du PROJET DE VIE, du PROJET DE SOCIÉTÉ, c'est grave ! Je crois personnellement que le système scolaire ne peut plus se contenter seulement de dispenser des savoirs afin que les jeunes puissent se former dans tel ou tel secteur et décrocher un diplôme quelconque. Si c'est important d'acquérir des bases solides afin d'entrer ensuite dans les meilleures conditions dans la vie active, il me semble pourtant que ce n'est pas suffisant. Il faut aussi faire comprendre à l'enfant, puis à l'adolescent qu'il sera, que la réussite individuelle ne peut se suffire à elle-même. Il faut l'inciter et non lui imposer, à prendre l'engagement de s'investir au service des autres en lui inculquant très tôt cette idée fondamentale que les intérêts personnels doivent s'effacer devant des valeurs communes fondamentales qui sont essentielles à défendre pour qu'une société puisse enfin vivre en plus grande harmonie.

Cet engagement citoyen peut être politique, syndical ou associatif, religieux aussi et il faut proposer au jeune toutes les pistes possibles afin qu'il choisisse en toute liberté sa voie selon son caractère, ses convictions, ses priorités mais aussi ses rêves. En matière d'engagement citoyen, on ne peut rien imposer, c'est évident. Mais on n'en fera jamais assez pour sensibiliser nos jeunes en leur expliquant par exemple que le droit de vote est extrêment vital et que cet acte citoyen par excellence, acquis dans le sang ne l'oublions pas, est une chance extraordinaire et non une corvée qu'il faudrait accomplir sans conviction particulière. L'éducation citoyenne laquelle, je le répète, doit commencer dès la maternelle, avec les mots adaptés à l'âge des enfants, a trop longtemps été négligée et considérée comme une discipline secondaire, presque facultative. C'est une terrible erreur car c'est à la base de toute construction de l'individu et en particulier dans sa prise de responsabilité au service du bien commun.

Il ne faut pas s'étonner alors des résultats catastrophiques que l'on constate aujourd'hui, avec notamment des êtres humains souvent repliés sur eux-mêmes, sur leurs intérêts personnels, des individus frileux, matérialistes, égoïstes, sans idéal bien précis, tout cela au sein d'une société qui se déshumanise. C'est le constat affligeant que l'on peut porter sur notre civilisation de ce début de 3ème millénaire, avec des adultes, pourtant ni meilleurs ou plus mauvais que les générations passées, mais qui ne savent plus se mobiliser en majorité pour améliorer les conditions de vie de la communauté, mais se résignent de manière coupable, trop fatalistes et souvent bien désespérés.

Pour éviter que le même schéma se perpétue encore pour longtemps, il faut donner aux enfants, aux adolescents l'envie de s'engager véritablement en leur faisant connaître des adultes qui sont impliqués dans le monde politique, syndical, associatif, culturel, sportif. Cela ne doit pas se faire sur un temps donné durant l'année scolaire et puis on passe à autre chose. Non, ce doit être, je le crois, au-delà des matières enseignées, le centre d'intérêt majeur des élèves. Il faut organiser des rencontres, des débats, afin que nos jeunes puissent effectivement prendre la parole en exprimant leurs envies, leurs espérances pour demain, ils ont tant de choses à dire, à nous dire. Il faudrait leur permettre de se mobiliser sur de grands projets citoyens, humanistes, afin qu'ils fassent très tôt l'apprentissage du don désintéressé pour les autres.

Dans l'idéal, le système scolaire qui forme certes des ingénieurs, des menuisiers, des enseignants, des informaticiens, des agriculteurs, etc..., doit avant tout former des citoyens qui seront prêts "à se mettre INSTINCTIVEMENT" au service de la société, au service des autres de manière totalement désintéressée et vraiment naturelle, sans se poser des questions, sans juger pour se donner bonne conscience et ne rien faire. Dans ce cas, on pourra vraiment parler d'une "école signe de vie et aussi d'espérance pour demain". Quant à cette formation PRIORITAIRE à l'action citoyenne, à l'engagement, elle ne doit pas faire l'objet de notations ou compter pour un examen quelconque. Non, on parle ici de dimension humaine. Ces temps consacrés à cette "discipline" doivent se dérouler dans un esprit convivial en respectant le rythme de chacun. Le temps consacré à ces cours doit surtout être BEAUCOUP plus conséquent qu'il ne l'est aujourd'hui, c'est incontestable de mon point de vue, si l'on veut réussir ce pari (4 à 5 heures par semaine me paraissent un minimum) et ceci tout au long des trois cycles.

Cela suppose bien entendu de faire intervenir, tout au long de l'année, des acteurs extérieurs, du monde associatif, politique, syndical dans différents secteurs, lesquels se sont engagés au service de la communauté et ceci malgré leur travail, leur vie de famille ou d'autres occupations. On doit permettre aussi à ces enfants, ces adolescents d'entreprendre, pourquoi pas avec ces mêmes acteurs, une ou des actions citoyennes de grande envergure et les autres matières, maths, français, etc... doivent être intégrées dans cette démarche. Elles doivent enfin être au service de cette dimension citoyenne et non le contraire, même si cela peut faire bondir, je le conçois fort bien.

Pour finir, cette révolution doit s'accomplir en plein accord avec les enseignants, en les sensibilisant sur le long terme, et non être imposée par l'Education Nationale. Sans doute faudra-t-il penser à alléger les programmes pour laisser une très large part à cette éducation à la citoyenneté, à l'engagement ! Je suggère même que les professeurs d'instruction civique ou d'éducation citoyenne soient plus nombreux et deviennent aussi systématiquement les professeurs titulaires de classe en collège et lycée, afin de donner vraiment la priorité à cette "discipline" et, par le fait, de s'engager vraiment vers ce changement d'orientation au niveau scolaire. Je peux bien-entendu me tromper, mais je ne pense pas, en tous les cas, qu'on pourra faire l'économie d'un tel bouleversement, d'une telle révolution scolaire si l'on désire remettre notre société sur les bons rails.

Et l'école doit être à la base de ces changements car elle ne peut rester une machine à fabriquer des diplômés qui seront ainsi lâchés dans la vie active avec pour seule ambition, bien souvent, de "réussir dans la vie" au lieu d'être préoccupé par le fait de "réussir sa vie d'être humain", un objectif ô combien plus essentiel, plus enrichissant, de cela j'en suis convaincu. C'est surtout pour cette raison que j'ai voulu avancer humblement mes idées sur la question, mes espoirs surtout pour une école qui cherche avant tout à faire grandir des enfants en humanité, avec la collaboration INDISPENSABLE des parents, sinon ce n'est pas possible.

"L'Ecole du 3ème millénaire ne peut plus
se contenter de dispenser des savoirs,
elle doit AVANT TOUT former des êtres humains
véritablement conscients de leurs devoirs vis-à-vis
de leurs prochains, c'est VITAL !"


Guy GILLET

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