Une grève de la faim pour se faire entendre :
ou l'impuissance du politique aujourd'hui
face au libéralisme "triomphant" !


Oui, au-delà de cet événement que représente la grève de la faim entamée par ce député (quel en sera l'issue ?) pour sauver des emplois dans sa région, tout citoyen lucide de ce pays peut se poser bien des questions sur l’état de notre société et du monde en ce début de 3ème millénaire. Qu’un élu du peuple puisse en arriver à de telles extrémités pour défendre une cause juste, celle d’ouvriers qui sont susceptibles de perdre leur emploi à cause d’une délocalisation rampante, quel retour en arrière sur le plan des acquis fondamentaux de la personne humaine !

Encore un effet de la mondialisation qui ne rime pas forcément avec humanisation, me direz-vous ! Dans une conférence, j’avais entendu un type, qui connaissait son affaire, "comparer la mondialisation à un bel avion qui file à toute vitesse, mais seulement il manque le principal pilote aux commandes, c’est-à-dire le politique". Comment nos gouvernants ou nos représentants, élus par les citoyens, ont ainsi pu laisser échapper le contrôle de l’économie, de la finance au point qu’aujourd’hui, ils ne sont plus les maîtres du jeu. Dans un système où la Bourse ne s’est jamais aussi bien portée alors que nous traversons une grave crise, où les actions montent en flèche lorsqu’une entreprise délocalise en dégraissant les emplois, on se dit que l’on marche sur la tête.

J’entends déjà les chantres du libéralisme me rétorquer que le temps est fini où l’Etat contrôlait tout et que désormais, toute liberté doit être donnée d’entreprendre, d’investir, de spéculer, de délocaliser, de prendre le contrôle d’entreprises par des OPA, de constituer ainsi des grands groupes qui deviennent parfois aussi gros financièrement que certains Etats. Dès lors, on le voit bien, on assiste à une véritable guerre économique, financière où tous les coups, même les plus bas, sont permis. Ces groupes ou multinationales dégagent d’énormes bénéfices qui ne sont que très inégalement reversés et pas forcément réinvestis dans la recherche ou dans la création d’emplois. Finalement, le travailleur, quantité négligeable, est au service d’une machine infernale qui se soucie peu du bien commun.

Bien-entendu, il reste encore des dizaines de milliers de petites ou moyennes entreprises qui créent de l’emploi et ont encore une vision à échelle humaine en terme de droits du travail et pour tout ce qui touche au caractère social dans l’entreprise. Mais demain, à cette allure, ne seront-elles pas rachetées à leur tour par ces monstres financiers qui ne cherchent qu’à s’agrandir pour ne pas être avalés à leur tour ? Les grands argentiers de ces multinationales ne s’en cachent pas d’ailleurs et disent que leur obsession journalière consiste à dégager un maximum de dividendes pour prévoir un avenir qu'ils jugent incertain. La restructuration et la délocalisation sont deux de leurs armes favorites pour supprimer des emplois et ainsi augmenter leurs profits qui sont déjà conséquents.

Ainsi, on rassure l’actionnaire qui ne s’en ira pas du coup voir ailleurs, mais exigera tout-de-même toujours plus de marges en proportion de ce qu’il aura placé, un cycle infernal en quelque sorte. Et le rôle du politique dans ce jeu sournois et inhumain : il tente à coup de concessions, de subventions données parfois à perte, de retenir ces groupes dans une région ou sur le territoire français sans être en mesure de "moraliser" cette économie de profits gigantesques où tout le monde perd son âme finalement.

De toute manière, le politique n’a pas le choix car s’il souhaite imposer à ces lobbies financiers des règles sociales et des garanties sur l’emploi ou le salaire, ces derniers menacent de partir ailleurs et principalement dans des pays où la masse salariale est faible. Et oui, le "monde financier" est un grand village où l'on peut impunément aller chez le voisin pour exploiter une main d'oeuvre bon marché et docile, au détriment de salariés conscencieux qui iront eux pointer au chômage parce qu'ils coûtent soi-disant trop chers !!....

Alors, pour en revenir à cet élu qui se prive de manger pour sauver des emplois dans sa région, il est dans la position, lui pourtant un représentant de l’Etat souverain, de "David contre Goliath le lobbie financier" à qui il s’attaque, le monde à l’envers en quelque sorte. Et pourtant, il joue pleinement son rôle de représentant du peuple qui défend les intérêts de ses concitoyens, il a été aussi élu pour cela. Et on le prend pourtant pour un martien, pour un Dom Quichotte qui mènerait un combat perdu d’avance, je trouve cela choquant et même désespérant.
On peut comparer le courageux combat de ce député à la fronde menée par les étudiants contre la précarité de l’emploi aujourd’hui, le malaise ne fait en somme que s'amplifier depuis plus de 25 ans.

A travers ces luttes sociales, médiatisées ou non, c’est bien de chercher quel sens nous désirons donner à notre société de demain. Allons-nous vers un monde ou l’homme sera l’esclave sans identité d’un système impitoyable qui ne fera que le broyer au final ? Ne devons-nous pas plutôt repenser la société où les richesses produites seront équitablement redistribuées pour donner une chance à tout le monde en créant de l’empoi et des conditions de vie décentes, ne pas exclure mais bien intégrer le plus grand nombre.

Oui, le politique doit reprendre la main sur l’économie et dicter des règles sociales incontournables sans pour autant brimer les entreprises de charges trop lourdes qui peuvent plomber la compétitivité, et là le train de vie de l’Etat serait sans doute à revoir… (plus d’économie et moins de dépenses de prestige !) Sinon, il est peut-être à craindre que les acquis fondamentaux de 1936 partent en fumée ainsi que cet indispensable Code du travail qui, lui aussi, est en péril à plus ou moins long terme. Faire de l’argent pour de l’argent, ce n’est pas moral et cela contribue à augmenter la précarité de l’empoi, l’exclusion et au final la pauvreté. Jusqu’à quand accepterons-nous de voir tant de personnes se retrouver dans la misère ? Ils sont des millions aujourd’hui qui crient en silence à l’injustice. Faut-il vraiment une grève de la faim ou pire, une révolution, pour enfin se bouger et oser proposer un projet politique humaniste ?

Guy GILLET

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