Le bien et le mal sont-ils finalement indissociables
de notre humanité caractérisée par une nature si imparfaite ?
En
voilà une question bizarre et ô combien prétentieuse à laquelle il est
bien difficile de
répondre. D'autres que moi, des philosophes, des écrivains, des
sociologues, des religieux et......... autres
intellectuels, bien plus calés que moi sur le sujet et d'une
intelligence bien supérieure à la mienne, ont tenté de résoudre ce
mystère éternel qui entoure les notions de bien et de mal. Je ne peux
ici qu'apporter humblement mon avis imparfait en me rendant compte, dès
le départ, que je ne ferai que survoler la question, tant mon
raisonnement pourra légitimement être, et je l'accepte d'emblée, remis
en cause par d'autres points de vue tout aussi pertinents, voire
meilleurs que le mien, c'est évident ! Cependant, comme d'autres et
depuis longtemps, je cherche à savoir d'où viennent le bien et le mal
et comment peut-on les définir et je me demande surtout si un jour le
bien pourrait finir par triompher sur le mal.
Si
je me cantonne à ma petite personne, que je commence à connaître à 56
ans passés, je me rends compte que je suis animé par des valeurs profondes qui
ont fait que j'ai tenté depuis des années de m'engager pour les autres
et sous différentes formes. Etant aussi croyant, je me suis appuyé sur
des convictions qui ont donné un sens à ma vie et qui font surtout que
je suis animé par l'espérance en quelque chose de meilleur, de plus
beau. Mais, à côté de cela, je peux hélas avoir de gros travers au
quotidien en portant par exemple des jugements sur les autres, en étant
hypocrite pour jouer un rôle, en cherchant parfois à me mettre en avant
pour exister davantage aux yeux des autres, en voulant aussi parfois
imposer mes points de vue, en étant lâche, égoïste, résigné, indifférent aussi dans certaines
situations, peut-être pour me protéger, pour fuir la réalité ou pour me fondre dans la masse. Bref, sans entrer dans le
détail, parce qu'il y aurait sans doute beaucoup à dire sur mes
défauts, je sais qu'en permanence, je suis aussi habité par ce qui
est
mauvais, par ce que certains appellent la tentation ou encore le péché.
Finalement, je crois que pour nous adapter, dans une société faite
d'individus si différents et de situations si diverses, nous optons
pour des postures bienveillantes ou non, car c'est peut-être une
question de survie dans un monde si complexe.
Notre
humanité peut produire les pires abominations qui la rabaissent parfois
plus bas que le monde animal ou peut engendrer les plus belles
aventures qui exaltent le coeur jusqu'à l'émerveillement. Bien souvent,
et c'est un paradoxe constant dans notre Histoire depuis des lustres,
c'est bien souvent du chaos le plus total que naissent les plus belles
oeuvres. On l'a vu souvent après des catastrophes comme des guerres,
des séismes, etc..., l'humanité a comme un sursaut de fraternité qui
fait qu'elle se mobilise pour soutenir les victimes, pour reconstruire
sur des ruines, pour tendre aussi à nouveau la main vers l'autre. C'est
dur à dire, mais on dirait qu'il nous faut en permanence recevoir des
leçons ou traverser des épreuves terribles pour comprendre ce qui, au fond, est
essentiel dans notre vie, à savoir cultiver encore et toujours l'amour
des autres. D'où vient finalement cette répétition de drames, de
souffrances, d'injustices auxquels succède une soif de se relever,
de se rassembler à nouveau pour repartir de l'avant ? Ce qui est plus
mystérieux encore, et vous avez dû le constater, c'est que dans une
partie du monde, les choses peuvent s'améliorer après le chaos, alors
qu'ailleurs, pour qui, pour quoi ??!!..., cela se dégrade alors que tout allait
bien. Il y a comme une sorte de fatalité chronique qui orchestre un équilibre bizarre et désarmant entre le bien
et le mal. Cela fait que l'un triomphe ici et redonne l'espérance,
alors que là-bas, sur un autre continent, l'autre finit par dominer à
nouveau pour amener du malheur, du sang et de la mort. Entre le bien et le mal, c'est le jeu sordide du chat et de la souris !
A
l'échelle de l'individu, c'est la même chose, l'équilibre est fragile
et, au gré de nos humeurs, de notre propre caractère, des évènements de
la vie, des situations au quotidien, nous pouvons ressentir de l'amour,
de la compassion ou bien de la colère, de la jalousie, de l'envie jamais assouvie et
même de la haine ou d'autres sentiments intérieurs qu'ils soient
positifs ou négatifs. Il y a cette confrontation permanente entre, ce
qu'on appelle à tort ou à raison, les forces du bien et celles du mal,
encore faut-il les définir avec justesse et, là encore, nous n'avons
pas tous les mêmes critères à ce sujet, ce qui complique encore
davantage les choses. Ce qui, à mon sens, fait aussi notre tort, mais
en est-on capable de par notre nature, c'est que l'homme en général, à
part de rares exceptions, ne possède pas une capacité d'émerveillement
permanente pour ce qui l'entoure. Je veux dire par là qu'il ne sait pas
assez se satisfaire des choses simples de la vie comme la santé,
l'amitié, la solidarité, la convivialité, qu'il ne sait pas goûter "à
pleines dents" les merveilles de la nature, le simple fait aussi d'aimer, de
penser, de respirer, de rire, de parler, d'avoir des sentiments et
pourtant, à bien y réfléchir, cela relève déjà du miracle permanent ! Je
n'échappe pas d'ailleurs à la règle et, avec l'âge, je "me soigne" en
tentant à présent de prendre davantage conscience de toutes ces richesses qui
sont avant tout des chances et non un dû !
Oui,
l'homme est un éternel insatisfait et il en veut toujours plus en
allant parfois jusqu'à désirer à tout prix dominer l'autre qui ferait,
soi-disant, de l'ombre à son bonheur, à son épanouissement personnel.
Il veut le pouvoir, l'argent, consommer tout ce qui se présente devant
ses yeux et il souhaite aussi qu'on le remarque, qu'on le mette en
avant, quitte à écraser les autres sur son passage. A une plus grande
échelle et cela relève souvent d'idéologies amenant au totalitarisme,
l'homme veut imposer ses vues, ses convictions quitte à enclencher le
chaos, la guerre car il se sent supérieur aux autres, lesquels le
dérangent parce qu'ils ne pensent pas ou ne vivent pas de la même façon
que lui, n'ont pas la bonne couleur de peau ou la bonne religion,
etc... Au lieu de bien appréhender les différences qui sont la richesse
même de notre monde, il les rejette par peur, par haine ou parce qu'il
a reçu une éducation qui entretient depuis la nuit des temps des
préjugés, des idées reçues qui, forcément, altéreront la bonne
communication, la compréhension et le rapprochement entre les êtres
humains. Les opinions, les moeurs, les façons de vivre sont si diverses
sur notre planète que tout, au final, finit par s'entrechoquer avec
violence, au lieu de s'additionner pour permettre l'élévation de l'âme
grâce justement à une soif de connaissance de cet autre qui peut tant
nous apporter pour grandir chaque jour un peu plus humainement.
Alors
là, le mal est à son aise et, de tous ces maux cités ci-dessus, sont
nés
le racisme, la xénophobie, l'homophobie, le rejet de l'étranger, le
nazisme pas encore complètement éradiqué, le narcissisme, l'égoïsme, le
repli identitaire ou le repli sur soi tout simplement, la vanité, la
suffisance, la jalousie, etc... Et puis, dans la catégorie du mal, nous
classons aussi le vol, le crime, l'inceste, le viol, le harcèlement
moral ou physique, la pédophilie, le sexisme, etc... la liste pourrait
s'allonger. Ce sont autant de choses que la justice réprime sévèrement,
nous le savons, mais pourtant tout cela se produit journellement à
grande échelle sur toute la planète, pourquoi ??!!... La société, dite
civilisée, rejette et condamne ces méfaits, mais l'homme ne
possède-t-il pas encore en lui, de par sa si longue descendance, et
même en 2015, ce côté animal, voire bestial qui le pousse à commettre
ce qu'on appelle l'irréparable. Poussé par ses pulsions primaires que
sont la colère, l'envie de dominer ou d'éliminer celui qui le gène, de
satisfaire ses désirs de tous ordres, il passe à l'acte comme on dit.
L'expression est bien choisie en effet, passer à l'acte, c'est lâcher
prise dans le mauvais sens du terme ou "péter les plombs", c'est comme
faire exploser les codes moraux qui régissent notre civilisation et
c'est peut-être, sans excuser ces délits, revenir à cet état primaire
qui dictait le comportement des premiers humains.
Pour
parler des codes
moraux justement, notre monde occidental a les siens qu'il croit les
plus justes et il faut les suivre sans la moindre hésitation. Mais
ailleurs dans le monde, ces codes ne sont pas tout à fait les mêmes et
cela nous déroute ! Alors, pour simplifier les choses, on s'empresse de
dire qu'ils vivent dans le mal puisqu'ils ne suivent pas notre
conception de la société. Mais, est-ce aussi simple et n'est-ce pas
plutôt très réducteur d'avoir une telle vision à l'égard des autres qui
ne vivent pas tout à fait comme nous ? Le bien ne serait que chez nous
et le mal chez les autres, c'était bien la conception des Etats-Unis
par exemple il y a quelques temps, lorsqu'ils justifiaient, en allant
jusqu'à balancer des mensonges d'Etat comme prétextes, d'entrer
systématiquement en guerre contre "l'axe du mal", comme leur
gouvernement le proclamait ! Oui c'est compliqué car, au nom du
soi-disant bien, il est possible de faire tout le mal possible,
simplement pour imposer ses vues qui, hélas, ne sont pas toujours aussi
vertueuses que cela !
Autrement, observez
bien certaines personnes ou vous-mêmes peut-être lorsque vous êtes en
colère à cause de quelqu'un qui vous a déplu pour telle ou telle
raison, souvent elles disent : "Si je ne me retenais pas, je la tuerais
ou je lui mettrais bien mon poing dans la figure !" Vous êtes sur les
nerfs à cause d'un ami qui vous a trahi, d'un voisin qui vous cause du
tort, etc... Vous enragez intérieurement et vous haussez le ton, au
fond c'est peut-être déjà le mal qui vous met dans cet état, même si,
la plupart du temps, vous vous contrôlez au final. Cependant, sans
aller au crime, aux coups, vous en voudrez peut-être longtemps à cette
personne et, dans certains cas, vous ne lui pardonnerez jamais. Oui,
c'est déjà le mal à l'état primaire justement qui vous met hors de vous
et qui déclenche aussi instinctivement ce réflexe de rejet de
cette personne de votre espace de vie parce que vous ne supportez plus
sa présence, c'est devenu même épidermique et, inconsciemment, c'est
une question primaire de survie pour votre équilibre moral ! Pour en
revenir aux codes moraux, aux lois, à la justice, c'est sans doute bien
parce que le mal rôde en permanence que nous avons besoin de tout cet
arsenal et beaucoup d'observateurs disent que nous serions dans une
véritable "jungle sauvage" s'il n'y avait pas un système répressif et
donc dissuasif pour nous protéger. Doit-on aller jusqu'à dire que
l'homme du 21ème siècle reste encore "un loup pour son prochain" ? Je
n'ai pas la réponse, mais l'actualité nous montre tous les jours que
personne, non personne, ne peut dire qu'il peut garder le contrôle de
lui-même dans toutes les circonstances, ce serait sans doute
prétentieux !
Au contraire,
pour en revenir au bien, lorsque l'on remplace le
besoin de posséder toujours plus par l'envie de donner un peu de
soi-même ou de sa richesse, de connaître l'autre, de l'accueillir tel
qu'il est, de lui
pardonner aussi après tant de haine (que ce soit entre individus ou
entre peuples), on entretient le bien commun de toute l'humanité. Mais,
pour remplir les conditions de ce bien, encore faut-il apprendre à
s'oublier un peu pour s'ouvrir à ce qui est essentiel et dépasser notre
propre personne. Certains hommes ou femmes s'engagent pour cela, qu'ils
soient croyants ou athées d'ailleurs, quand d'autres pensent que ce
bien commun, si exigeant à mettre en place, n'est qu'une chimère
inconcevable et qu'il vaut donc mieux vivre tout d'abord pour soi en
essayant déjà de sauver sa peau ! Alors oui, lorsque je parle
d'équilibre entre le bien et le mal, il est peut-être simplement là,
d'autant que les rôles peuvent s'inverser, ce qui rend la chose plus
complexe encore.
Je
m'explique en disant simplement qu'il peut arriver que les personnes
qui oeuvrent pour le bien finissent par se décourager devant l'ampleur
de la tâche, c'est si fatigant, si décourageant parfois lorsque l'on
observe cette montagne de détresses, de souffrances, d'injustices dans
ce monde et c'est vrai qu'alors il est permis de douter, car ce
sentiment est justement dans la nature humaine. Au contraire, des êtres
ayant semé le chaos, la division, la violence, la haine, la méchanceté
autour d'eux peuvent être pris de remords parce que les circonstances
de la vie auront fait, à cause d'un évènement ou d'une rencontre
inattendues, qu'ils auront changé tout simplement. Rien n'est donc
figé, ce qui fait que le bien et le mal naviguent en chacun de nous
tout au long de la vie et, de ce fait au final, personne ne peut juger
quiconque et dresser un bilan positif ou négatif sur tel ou tel
individu parce que ce serait ridicule et injuste au fond. Et puis, pour
être vraiment impartial, il faut déjà commencer par porter un jugement
sur soi-même et parfois, dans ce cas, il n'y a pas, à certains moments,
de quoi être fier de notre propre comportement........., à m'observer
intérieurement, je l'ai vérifié bien souvent et c'est toujours désolant
!
Comment
donc alors expliquer le bien et le mal............ je n'en sais pas
plus que vous ! Peut-être que l'on peut comparer cela à la nature qui
nous environne, les animaux et les plantes luttent en permanence pour
survivre et là non plus, c'est loin d'être un paradis, les plus faibles
sont éliminés par les plus forts. Les forces de la nature, si
dévastatrices, font en plus parfois aussi des milliers de morts, de
blessés chez les humains. Pourtant, cette même nature peut aussi nous
offrir des moments d'exaltation, de grâce, de par sa beauté, son
équilibre, sa diversité et sa capacité à se régénérer suite à de
multiples agressions (tempêtes, inondations, incendies, tremblements de
terre, pollution, etc...). Il me semble que pour l'humanité, c'est la
même chose d'où cette lutte incessante entre le chaos et la
renaissance. Seulement, l'être humain a une conscience et peut donc
faire des choix selon les circonstances, heureuses ou dramatiques,
pensons par exemple aux temps de guerre ou de paix. Ces situations
l'amèneront, au cours de sa vie, à choisir parfois le bien ou le
dirigeront vers le mal, mais ce n'est linéaire pour personne et surtout
pas pour moi. Je me nourris autant de mes erreurs, et peut-être
davantage d'ailleurs, que de mes "bonnes actions", si tenté que j'en ai
pu faire et le tout, par un curieux mélange, fait la vie au final.
Au
moment du grand saut, du grand départ qu'est la mort, je sais que je ne
me
ferai aucune illusion sur ma personne car je n'aurai pas le pouvoir
personnel pour me sauver ou pour me faire pardonner. Même si,
d'ores et déjà, je ne le mérite surtout pas, j'espère tout de même
simplement trouver alors, de l'autre côté, quelqu'un qui m'expliquera
ce qu'est le véritable amour désintéressé, celui qui fait que l'on est
indestructible à jamais, en ayant l'âme si légère et si apaisée. Mais
peut-être me faudra-t-il rencontrer avant, comme un passage obligé
et qui serait redoutable, quelqu'un qui m'expliquera lui, au
contraire, ce qu'est la haine absolue, le mal dans toute son horreur et
donc la négation de la vie et de l'amour ! Oui, peut-être nous
faudra-t-il tous au fond faire face, en pleine lumière et aussi en
pleine obscurité aux deux faces de cette même médaille qui fut notre
vie, selon ce que chacun aura traversé dans son existence bien-entendu.
La vérité et surtout la pleine connaissance sur le bien et le mal,
sont peut-être à ce prix, mais faut-il le redouter............ surtout
pas si nous en sortons grandis et libres pour une autre vie dont nous
n'avons même pas idée ! Alors, faisons déjà ici le bien tout en
supportant le mal qui est aussi toujours hélas en nous, ce trop fidèle
compagnon de route ! Le bien que l'on propage autour de nous n'efface
pas le mal que l'on fait dans le même temps, mais il aide à faire
sortir de notre personne cette part de notre humanité qui est, je
l'espère, la raison même de notre venue sur cette Terre. A bien y
regarder, tout est dérisoire, illusoire, éphémère, la seule chose qui
semble être au-dessus de tout, c'est l'AMOUR absolu, ce vers quoi nous
courons sans cesse, même si nous sommes si maladroits envers les autres
et donc envers nous-mêmes, d'où tant de mal pour arriver parfois à
se faire ou à faire un peu de bien autour nous !
Guy GILLET