Sommes-nous entrés dans une société du zapping,
où seul compte le goût du sensationnel pour faire de l'audimat ?
Avez-vous
remarqué à quelle vitesse une information en chasse une autre
aujourd'hui, au point que l'on ne prend même plus le temps de nous
poser vraiment pour réfléchir sur l'importance ou pas des évènements
qui défilent à la radio, à la télévision, dans les journaux ou sur
internet ? Nous assistons à un mélange d'infos diverses qui nous
arrivent du monde entier en temps réel, qui fait que nous ne savons
plus
quoi penser..........., encore faudrait-il nous en laisser le temps
!!.... Du coup, nous sommes entrés dans le règne de
l'émotion, laquelle a pris le pas sur la réflexion la plus élémentaire
qui devrait en principe davantage nous guider. Nous devrions en effet
prendre du recul par rapport aux évènements et ceci afin de
nous faire surtout notre propre idée. Les réseaux sociaux ont aussi
amplifié de
manière incroyable notre façon de réagir et nous assistons à un flot de
commentaires souvent erronés parce que tout le monde libère une parole,
plus pour faire le "buzz" comme on dit, que pour lancer une réflexion
objective et documentée, ce qui serait la moindre des choses. Je ne
vous parle pas des injures faciles, des accusations sans fondement,
bref de toute cette haine qui se déchaîne sur la toile, déjà que nous
avions la télé pour relayer un tel déballage, tout cela est affligeant
car nous assistons en plus à une surenchère verbale incontrôlable !
Ayant à notre disposition des moyens de communication ultra-modernes, nous réagissons instantanément sur
tel ou tel évènement pour donner en exclusivité notre avis à tout prix, ou pour
contredire les autres et, comme cela, nous avons l'impression de créer l'évènement
nous-mêmes en commentant. Devant l'info, nous avons encore une fois, (et
je n'échappe pas à la règle car je ne suis pas plus malin que les autres), une posture de consommateurs avides de
sensations fortes que l'on ne vit que par procuration ou plutôt par écran
interposé en étant bien à l'abri, le pense-t-on, devant sa télé ou derière son
clavier d'ordinateur. Pire même, nous avons cette étrange impression de
maîtriser les évènements, alors que nous les subissons comme des
moutons dociles en quelque sorte. De plus, la manipulation dont se
servent si bien de petits malins de la communication, (les médias nationaux en premier !) nous fait penser
que la dernière info ou le dernier commentaire qui sortent sont
"la vérité absolue", ce qui est grave et contraire à la vraie
information devant être balancée de manière objective et non dirigée dans un sens ou dans un autre.
Ce qui est le plus inquiétant dans ce phénomène,
c'est surtout de voir monter un certain voyeurisme malsain qui, au
final, fait que nous avons une envie irrésistible de sensations encore
plus fortes. Il n'est de voir ces gens qui prennent systématiquement
des photos avec leur portable, lorsqu'ils sont les témoins directs de
tel ou tel évènement banal ou dramatique. Ils vont s'empresser ensuite
de les envoyer à leurs amis ou de les mettre sur Facebook pour être les
premiers à donner l'info qui sera accompagnée de commentaires
souvent déplacés ou exagérés. Les différents "zappings" proposés aussi à la
télé, sont bien le reflet de notre société actuelle, qui ne cesse de courir
après l'évènement, avec ces images ultra-rapides, et sans aucune
relation entre elles, qui sont ainsi diffusées pour résumer ce qui s'est
passé sur un jour ou une semaine. Le zapping est en quelque sorte le
reflet d'une société qui va de plus en plus vite, mais qui perd le sens
des réalités au point que nous vivons sans doute plus une crise morale
qu'économique.
Et puis, ce qui pose question, c'est tout ce qui
relève de la sphère privée, laquelle se mélange allègrement et sans
frein avec ce qui relève de l'actualité publique. Il n'y a plus de
frontière entre les deux, plus de jardin secret que l'on peut protéger,
tout est déballé en vrac comme au marché du coin, ce qui engendre les
pires commentaires ou les pires insultes qui peuvent faire très mal au
point de détruire des vies parfois, ce qui est inadmissible et je pense
surtout à ces jeunes qui en sont victimes tous les jours sur internet.
Là, c'est bien chaque individu, et non plus la télé en l'occurrence, qui
désire booster ainsi son propre audimat en mettant n'importe quoi sur
internet pour faire parler de soi, en oubliant au passage que tout ce qui se publie (avec des photos pas toujours subtiles)
peut avoir des conséquences fâcheuses à terme.
Sans
rejeter les moyens de communication, qui peuvent être si utiles pour
alerter, prendre conscience ou s'engager pour défendre ce qui est
juste, il faut sans doute sortir de l'artificiel, de ce qui relève du
caniveau aussi (il faut bien le dire !) pour donner du sens. A
consommer de l'information de manière outrancière, comme on se gave de
bonbons, on en vient à l'indigestion ou pire, à l'indifférence. On
finit tout doucement par s'habituer à tout et même à l'inacceptable, ce
qui peut faire
disparaître ce qui fait simplement notre humanité à tous. Cela nous
amène aussi
petit à petit à une sorte de résignation coupable, à n'être que des
commentateurs passifs et un peu pâles au final. Dès lors, nous
finissons par nous persuader que le monde, autour de nous, ne pourra
plus
aller bien, qu'il est inutile de réagir à notre niveau pour tenter
de l'améliorer et c'est sans doute cela le plus grave. Alors, pour
finir, ne nous laissons jamais habituer par ce qui
est intolérable, insupportable, INHUMAIN ! Prenons plutôt le
temps de nous émouvoir, ne serait-ce que par une seule information
importante, pour avoir à nouveau le sentiment de nous sentir
concernés, d'exister au plein sens du terme et peut-être ensuite d'agir
afin que ce monde finisse par tourner enfin dans le bon sens ! Guy
Gillet