Pour la mémoire
d'Anna Politkovskaïa et
Depuis des siècles, combien de centaines, de milliers dêtres
humains, connus ou anonymes, ont été enlevés, torturés,
tués pour avoir osé défendre des valeurs fondamentales
et les femmes ont bien été souvent les premières
à en payer le prix fort. La vérité, la justice, la
liberté, légalité des droits ne font pas bon
ménage avec le totalitarisme, lextrémisme, les intérêts
financiers, les magouilles en tous genres. Cependant, si on élimine
impunément les défenseurs des droits fondamentaux de la
personne humaine, on ne peut tuer les idéaux ancrés dans
les consciences. Ceux-ci se transmettent de génération en
génération et il y a toujours quelquun, un peu partout
dans le monde, pour reprendre courageusement le flambeau de la liberté
de penser. Anna et les autres ne sont pas morts pour rien et les bourreaux
ne triompheront jamais à terme en employant une force impitoyable
et destructrice, il faut quils le sachent pour qu'un jour le massacre
cesse. Le fanatisme religieux, laveuglement politique ne sont que le
reflet de la vanité, du pouvoir absolu et de la négation
de la différence doù quelle vienne. Des groupuscules
ou des Etats ont toujours tenté, sur un temps donné, de
saccaparer du pouvoir par la force pour assouvir leurs désirs
de grandeur, de richesse ou pour endoctriner les individus en les amenant
dans des aventures désastreuses à terme. Mais, à
travers toutes les époques et encore aujourdhui, il existe
des forces démocratiques, prônant lhumanisme, le respect
et la liberté de toute personne, que lon ne peut pas éradiquer
définitivement. Les armes ne peuvent rien contre la pensée
et lhomme a une telle soif de vivre libre quil finit toujours
par briser les chaînes quon veut le forcer à porter.
Finalement, le choix est toujours le même pour chacun dentre
nous ; doit-on se taire, se résigner devant linacceptable
et vivre en courbant léchine ou alors se lever pour crier
sa colère, dénoncer linjustice, au risque de tout
perdre, même la vie ? La réponse, Anna lavait donné quelques mois avant
sa mort lorsquon lui avait demandé pourquoi elle menait ce
combat risqué en Russie. Elle avait simplement répondu quelle
redoutait que plus tard ses enfants ou petits enfants lui reprochent de
navoir rien fait pour lutter contre la corruption et la barbarie.
Cela ne lempêchait pas davoir peur tous les jours mais
elle dépassait ses angoisses légitimes pour défendre
une cause juste et universelle. Même si je ne connaissais pas cette
personne, je suis ému et admiratif devant Anna, cette femme qui
a montré au pauvre homme que je suis, ce que pouvait être
le courage et lamour désintéressé pour les
autres. Là où elle est actuellement, je la salue bien bas
en lui disant que dautres continueront sur terre de se lever pour
chasser la tyrannie sous toutes ses formes. Quant à nous justement, même si fort heureusement nous
ne sommes pas obligés de payer de notre vie le fait de mener certains
combats, nous devons là où nous sommes lutter contre toutes
les formes dinjustices et Dieu sait quil y en a partout dans
le monde et même à côté de chez nous. Il faut
savoir parfois dépasser nos peurs, nos égoïsmes pour
sengager pour des causes justes. La sauvagerie, le racisme, le délit
dopinion, la violence, lextrémisme gagnent du terrain
lorsque nous fermons les yeux en nous cachant, en sauvant notre peau.
Au nom du bien commun, je me dois, nous nous devons, même si cela
nest pas sans risque, de dénoncer ce qui est contraire aux
droits les plus fondamentaux de la personne humaine pour offrir à
nos enfants, à nos petits enfants une société qui
garde un visage humain. Pour finir, noublions jamais que des milliers de personnes sont mortes pour sauver notre liberté de penser ou daller et venir aujourdhui. Ces libertés fondamentales, nous avons le devoir de les transmettre intactes à notre tour aux futures générations et cest sans doute ce quAnna, à travers le sacrifice de sa vie, vient nous dire aujourdhui à nous autres citoyens de ce monde très malmené. Que jamais bien-entendu, nous ayons à nous retrouver dans la situation dAnna, mais que jamais non plus nous ne reculions devant nos responsabilités le moment venu. Pour ma part, si je tente ici de défendre des idéaux humanistes, honnêtement il convient cependant de vous avouer que je ne possède sans doute pas le courage dAnna pour affronter certaines circonstances plus que délicates. Quelle me le donne, non pas pour me glorifier de manière héroïque, mais bien pour défendre lessentiel, cest à dire lamour et la liberté, les deux priorités de la vie ! Guy GILLET |