Nos anciens vivent-ils heureux jusqu'au bout du chemin,
dans notre société où on tend à les ranger
dans un coin comme des jouets abîmés
ou cassés qui ne seraient plus utiles ?

 

Tout le monde le constate bien, l'espérance de vie a fortement augmenté depuis 2 ou 3 décennies et les êtres humains vivent très vieux. Avoir 70, 80 et même 100 ans ne relève plus de l'exploit aujourd'hui, personne ne s'en étonne plus ou presque. Lorsque que quelqu'un meurt à 60 ou 65 ans, on dit bien souvent qu'il est mort jeune et qu'il avait normalement encore bien des années devant lui. On n'entendait pas ce type de réflexions il y a 30 ou 40 ans de cela. Finalement, on ne pourrait que se réjouir de vivre ainsi plus vieux, mais nos anciens profitent-ils tous de cet allongement de la vie dans de bonnes conditions, voilà bien une question dérangeante et quelque peu taboue !

Cette espérance de vie qui s'est allongée, on la doit essentiellement aux progrès formidables de la médecine, à un mode de vie qui est plus actif lorsque l'on entre dans ce qu'on appelle le "3ème âge", mais aussi aux nouvelles habitudes alimentaires ainsi qu'à une pénibilité moins grande au niveau des conditions de travail. Par certains côtés, il faut s'en réjouir pour ceux qui ont la chance de vieillir en relative bonne santé, mais le poucentage des personnes indépendantes et autonomes est de combien parmi cette population ?

Si l'on fait le tour des maisons de retraite, nous serons sans doute effarés d'observer le nombre de personnes grabataires, souffrant de la maladie d'Alzheimer, ou rongés par la solitude parce que personne ne vient plus jamais les voir. Bien-sûr, nous pourrons toujours mettre en avant le formidable dévouement dont fait preuve le personnel d'encadrement qui s'occupe de nos anciens vivant dans les maisons de retraite et nous aurons raison. Mais il n'empêche que se posent plusieurs problèmes autour de nos personnes âgées tels que la fin de vie, l'acharnement thérapeutique, le sens ultime donné à leur existence. On me dira à juste titre que, de toute manière, on s'accroche toujours à la vie quelles que soient les conditions de santé, d'existence au quotidien et sans doute que je ferais de même si je me trouvais à la place de ces personnes au grand âge !!...

Pourtant, je ne me peux m'empêcher de me poser des questions sur cette vieillesse que l'on veut prolonger de plus en plus loin, comme pour battre des records de longévité qui posent bien des interrogations sur le sens même que l'on veut donner à la vie. Considère-t-on celle-ci en terme de quantité d'années passées sur Terre ou en terme de qualité ? Pour ma part, je souhaite comme tout le monde vivre encore bien des années, mais je désire surtout que ce temps de vie qui me reste soit consacré à partager avec les autres, à les aimer et à me rendre utile même si je sais pertinemment qu'on ne contrôle pas tous les éléments de son capital santé, si fragile n'est-ce-pas !La vie d'un être humain, ce n'est pas de rester cloîtré entre quatre murs, mais c'est de donner de l'amour, d'échanger, de communiquer, de partager ses expériences de vie. Et de cela, nos anciens sont une véritable "mine d'or" à découvrir pour les jeunes qui s'engagent dans l'existence.

Et puis, nous devons ici relever une terrible contradiction dans notre société d'aujourd'hui. A l'heure où l'on se félicite de l'allongement de la vie, du fait que l'on peut vivre très vieux, on remarque par ailleurs des publicités en tous genres vantant les mérites de tels produits ou procédés qui permettraient de garder une jeunesse "éternelle" : crèmes anti-rides, interventions chirurgicales pour retendre la peau, médicaments comme la DHEA, etc, etc... Ce qui fait que finalement, la vieillesse nous fait toujours peur et on souhaite le plus possible reculer ce moment fatidique qui nous pend au nez de façon irrémédiable.

On me rétrorquera que nos anciens sont choyés dans des structures adaptées à leur âge, mais ils sont tout-de-même "parqués" et quelque part "hors société". Certains vivent dans des maisons de retraite pendant 15, 20, voire 30 ans et plus, sans que leur existence ait un but encore humaniste dans le sens fort du terme. Je respecte énormément nos anciens, mais je souhaiterais qu'on les sorte davantage des structures pour qu'ils rencontrent les enfants dans les écoles, les jeunes lycéens ou étudiants, qu'ils cotoient aussi ceux qui ont une vie professionnelle et familiale, ils ont tant de choses à nous apprendre. Leurs conseils, leur philosophie de vie seraient tellement précieux à transmettre dans un monde où tout va très vite, où l'on court dans tous les sens sans trop savoir pourquoi.

Dans mon propos, il n'est nullement question de culpabiliser quiconque, mais il y a un proverbe qui dit qu'une société vaut de par la manière dont elle s'occupe de ses anciens et aussi de ses jeunes et là aussi il y aurait des choses à dire ! Je n'ai pas de réponses toutes faites aux interrogations que je pose ici, mais je tâche humblement de parler de la dignité de la personne humaine qu'elle soit jeune ou âgée. Les maisons de retraite ne sont pas une fin en soi pour donner bonne conscience à la société qui, ainsi, parquerait ses personnes âgées dans des structures bien tenues pour mieux les oublier et continuer son existence trépidante. L'ancien, c'est souvent "le sage", celui qui a vécu, souffert, travaillé dur, passé des moments exaltants ou extraordinaires, a connu des réussites mais aussi des échecs dont il a tiré des leçons profitables aux plus jeunes. C'est comme un livre ouvert et vivant, qu'on ne doit pas forcément ranger sur une étagère pour prendre de la poussière très destructrice. Une personne âgée qui n'intéresse plus personne n'est-elle déjà pas morte quelque part, grave question de société qu'il ne faut pas évacuer, d'avance merci au nom de nos anciens.

Guy GILLET

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