Une partie de ma génération a démissionné
depuis 30 ans devant les injustices intolérables
qui frappent notre Monde.

Cette accusation que je lance, (à la manière de... Zola, mais sans avoir hélas son talent d'écrivain !), n’est pas, je pense, exagérée ou déplacée. Je veux ici, en premier lieu, rendre hommage à toutes ces personnes qui ont choisi le combat, en s'engageant ou en dénonçant haut et fort sans relâche toutes ces inégalités de toutes sortes qui se sont très largement développées au fil du temps. Cependant, une partie non négligeable de ma génération, c'est à dire la tranche d'âge des citoyens nés dans les années 1950 et 1960, n'a pas su suffisamment réagir en masse et a fait preuve de faiblesse, de résignation coupable, d'indifférence aussi, ce qui est pire, en ne menant aucune lutte symbolique pour tenter d'enrayer ce que l'on voyait pourtant monter et qui était intolérable Je n’oublie pas que j’en fais partie, (il me faut donc assumer aussi ma part de responsabilités en temps que simple citoyen), mais je ne peux que condamner sévèrement cette démission face à toutes ces injustices que certains ont souhaité ignorer ou même nier. Oui, nous nous sommes accomodés de ces inégalités intolérables en jouant si facilement la carte ô combien pratique de la fatalité en affirmant que tout cela n'était surtout pas notre affaire au fond !

Pour nous dégager trop facilement de notre responsabilité, nous avons mis la faute sur les politiques, en les chargeant au maximum de tous les maux d’une société en pleine décomposition. Il n’est nullement question ici de blanchir nos élus, tous bords confondus, car ils ont leur part de responsabilités. Mais je voudrais nous poser cette simple question, collectivement mais aussi individuellement : «Et nous(moi) qu’avons(ais)-nous(je) fait pour changer les choses ?» Cette crise a démarré voilà plus de 30 ans et trop peu, même si elles sont quelques milliers à s’être investi dans des associations caritatives, ont été les personnes qui se sont levées pour déjà dire NON à la remontée de la misère, des discriminations, du racisme en France, etc... dans notre département ou à notre porte.

Personnellement, je considère que cette frange de ma génération a manqué de courage, de civisme aussi et j’ai conscience que cette condamnation est dure à entendre, mais c’est la vérité, enfin je le crois vraiment. De plus, certains ont, ce qui est plus grave, sans aucun scrupule stigmatié les pauvres, en les suspectant de vivre dans l'assistanat, tandis que d'autres ont montré du doigt les étrangers, en les accusant d'envahir le pays ou de venir «piquer» le boulot ou les allocations des français «pure souche». En culpabilisant ainsi des êtres humains, bien souvent dans la détresse, nous avons ainsi entretenu à bon compte notre "bonne conscience", ce qui nous a permis de continuer bien sagement notre train-train quotidien, tout en nous accrochant comme des égoïstes à nos acquis sociaux. En plus, afin d’éradiquer ce fléau social que représente l’exclusion et la misère, nous avons toujours souhaité que ce soit d’abord les autres, surtout les plus riches, qui payent l’addition avant nous, parce que nous avons toujours refusé obstinément de nous considérer aussi comme des privilégiés.

Et oui, le fait de travailler, de posséder des revenus sinon exhorbitants mais tout-de-même confortables, de jouir d’une belle maison, de pouvoir partir en vacances à la neige ou à la mer, ne sont-ils pas à eux seuls des privilèges déjà conséquents ? En effet, au regard de ces miséreux, qui ne possèdent qu’un emballage en carton pour se protéger du froid lorsqu’ils sont amenés à dormir dans la rue, de ces réfugiés aussi qui fuient la guerre ou l'oppression, ne sommes-nous pas chanceux ??!!..... Je crois sans trop me tromper, même si certains s’en moquent royalement, que dans quelques décennies, notre génération sera jugée très sévèrement par les historiens ou les sociologues, qui seront amenés à étudier notre comportement, caractérisé par un égoïsme coupable entretenu pendant des années, alors qu'on savait ce qu'il se passait autour de nous.

C’est un constat terrible que je me permets humblement de dresser ici et, coyez-moi, je ne m’épargne pas non plus dans cette affaire. Certains, en me lisant, pourront m’en vouloir, diront que je tiens un discours trop culpabilisant et inutile, mais que puis-je dire d’autre que ce que je ressens, que ce que je vois de déplorable dans cette société où l’on cherche bien trop souvent à sauver sa peau, au lieu de penser au voisin qui tend la main afin de ne pas couler irrémédiablement. Si ce que je viens d’écrire ici peut déclencher la colère, dérangé, interpellé, ma modeste mission aura été réussie dans le sens où chacun sera amené à revoir sa position, son attitude envers ceux qui souffrent. Pour ce que je dis, je veux bien qu'on m'en veuille terriblement, je l'assume même, mais je souhaite surtout que l'on fasse tous, y compris moi-même, notre examen de conscience en affrontant avec courage la réalité du moment en arrêtant de nous mettre la tête dans le sable.

Ayons TOUS ce sursaut civique et fraternel, qui redonne l'espérance, en concentrant notre énergie pour lutter contre toutes ces inégalités flagrantes que nous ne pouvons nier plus longtemps en nous cherchant des excuses qui ne tiennent pas la route. Il n’est pas trop tard pour lutter contre l’intolérable et nous pourrons alors dire que le genre humain est bien digne de vivre sur cette pauvre terre, qui souffre depuis trop longtemps de l’indifférence et de la cruauté des hommes qu’elle transporte à travers l’univers. Par ailleurs, notre vie, si éphémère, doit être au maximum tournée vers les autres si on veut lui donner un sens et une certaine consistance. Deux défis nous sont lancés aujourd’hui, celui du partage en luttant contre l’injustice sociale et surtout celui de la fraternité la plus élémentaire qui soit qu'il faut oser prôner autour de nous, là où on vit et sans avoir peur. 

Ma génération, dont je voudrais enfin être fière, peut encore les relever sinon l’Histoire nous cataloguera comme des égoïstes chroniques et des frileux. Et, de toute manière, nos enfants ne nous remercieront pas pour le triste exemple que nous leur aurons montré, pour la société si pâle que nous leur aurons aussi laissée. S’il nous reste un brin de fierté, de courage et d’humanité, ne laissons pas passer la chance de nous réhabiliter et ainsi de retrouver un peu de crédibilité, il n'est jamais trop tard. Commençons par arrêter de nous voiler la face devant une implacable réalité qui doit au contraire nous conduire à la révolte intérieure puis à l’action en tendant une main secourable; il y a tant à faire autour de nous. Je terminerai en vous disant tout-de-même, que je crois encore sincèrement en nous tous et à notre faculté de réagir au nom du bien commun. C’est à cette seule condition que nous ne tuerons pas l’ESPÉRANCE pour demain et surtout pour nos enfants.

Guy GILLET

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